J’y étais ! A la fondation du Mouvement commun, chez Gatti, à la « Parole Errante », dans ce lieu sombre d’Anarchie et de Poésie (la dernière fois que j’y croisai Armand Gatti, il portait l’effigie de Buenaventura Durruti à la boutonnière et allait clamant « ça c’était un révolutionnaire ! »). En début d’après-midi il y a du monde dans le jardin et déjà dans la vaste salle où les gradins évoquent le forum ou « la plaza de toros », comme on voudra.
Bisous, bisous...
On déambule, on croise des figures connues, d’anciens ministres, des députés, sans doute « frondeurs », des arpenteurs inlassables de plateaux et de studios, on se congratule, bisous par-ci, bisous par-là. Dans la salle on fait la queue pour recevoir un dossier contenant entre autre un carton vert et un violet qui serviront à dire oui ou non lors de l’AG finale, suppose-t-on.
Et puis ça commence, par une mise en scène : le modérateur, présentateur, animateur, comme on voudra, est interrompu par une jeune femme qui bondit au centre de l’amphithéâtre pour y lire texte dont on suppose qu’il est censé émoustiller, mettons émouvoir le public. Applaudissements. Puis allocution de bienvenue du maire de Montreuil fier d’accueillir la manifestation dans sa ville, et qui s’adresse bien sûr à camarades et amis mais surtout d’abord à « mon cher Pouria » et qu’il annonce à toutes et tous qu’il est tellement d’accord avec son cher Pouria qu’il signe l’appel des deux mains.
Justement Pouria on l’attend, le voici en vidéo sur grand écran alors que lui le vrai est sagement assis au milieu de gens, comme font Iglesias et ses copains dirigeants de Podemos pour bien faire entendre qu’ils sont du peuple, dans le peuple, au milieu du peuple, de vrais « intellectuels organiques » en quelque sorte.
Nouvelle intervention poétique de la même jeune femme et commence la structuration des ateliers, car, bien sûr ateliers il y a, comme partout, comme dans les entreprises où l’on convie les « collaborateurs » à collaborer à la vie de l’entreprise, à faire preuve d’imagination, dans certaines limites bien sûr fixées par la direction.
Ateliers : au boulot!
D’ailleurs le « présentateur animateur modérateur » n’hésite pas à nous convaincre, par un petit exercice, de l’excellence du « Commun » : on donne oralement une liste de vingt mots que nul évidemment n’est capable, seul(e) de retenir mais tous ensemble on y parvient facilement : CQFD. Puis il donne la liste des questions auxquelles nous aurons à répondre mais pas de panique car il y aura des animateurs « pour nous aider » ! Ouf !
Et les ateliers vont s’organisant, les dossiers rouges par ici, les verts là-bas les orange ailleurs et les animateurs (d’où sortent-ils ?) brandissent leur dossier comme les guides venus d’ailleurs dans les couloirs du Louvre, il n’y a plus qu’à les suivre.
Tout est en place, on écoute attentivement les consignes des « animateurs et animatrices », vous avez une heure (ou une heure et demie je ne sais plus) pour rendre votre copie, au boulot ! Et les animateurs et animatrices circulent entre les tables, les mains dans le dos, jetant un œil ici, une oreille là, comme je le faisais quand, jeune prof, il y a bien longtemps, je découvrais Roger Cousinet et sa méthode de « travail libre par groupe » et que ce faisant j’avais l’impression de pratiquer une pédagogie fort active. Seulement moi, j’avais affaire à des enfants…
Je n’en crois ni mes yeux ni mes oreilles, on parle bas, on est attentif, on respecte bien les consignes, on est obéissants comme de bons élèves, sauf… les figures connues qui elles et eux ne participent pas aux ateliers, bien sûr, qu’iraient -ils faire au milieu de ces ignorants , de cette plèbe puisque eux ils savent, la preuve ils sont députés ou anciens ministres, ou élus de je ne sais où, et ils sont sans cesse sollicités par les télés… ils profitent de ce beau soleil d’automne dans le jardin, discutent l’air pénétré ou rient aux éclats. Mais que font-ils là ? Qu’attendent-ils ? On le devine bien sûr… Non ?
« Vous n’avez plus que vingt minutes », clame un animateur, comme au Bac ou au Brevet des Collèges, on se dépêche car il faut rendre une bonne copie autrement dit faire un bon compte rendu, original, inventif.
Je vais faire un tour au Bois
Et là, je n’en peux plus de tant d’obéissance aux consignes, de tant d’infantilisme ce qui fait que je m’en vais faire un tour dans le Bois tout proche pour profiter moi aussi de ce doux soleil d’automne, tant pis, je lirai le compte rendu sur le site du Mouvement ou ici sur Médiapart.
Mais tout de même et puisque le mouvement (ou, seulement Pouria ?) prend Podemos comme modèle assumé, Podemos dont on peut voir ici que je ne partage ni toutes les théories ni toutes les pratiques, je me permets de proposer deux mesures extrêmement pragmatiques et adoptées par Podemos : d’abord que soit inscrite dans la déclaration de principes du Mouvement la possibilité de révocation en permanence et de façon simple des responsables et élus quels qu’ils soient. Puis que tout élu à quelque niveau que ce soit ne perçoive pas d’indemnité supérieure au montant du salaire moyen pratiqué dans le pays. Ainsi pratiquent les élus de Podemos au Parlement européen, ainsi pratique José Maria González « Kichi », maire de Cadix.
Je suis persuadé que notre camarade Maire de Montreuil, les camarades députés, ex-ministres et élus de toutes sortes n’hésiteront pas à suivre si bon exemple puisqu’ils sont désormais militants d’un mouvement dont Podemos est le « modèle assumé ».