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Billet de blog 10 mai 2012

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Jacques Laporte : militant, ferronnier d'art et écrivain

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Je suis sûr que parmi vous, lecteurs, peu nombreux sont ceux qui connaissent Jacques Laporte. Et c'est bien dommage car il s'agit d'un personnage. Raison pour laquelle je vais en dire quelques mots à l'occasion de la sortie de son deuxième livre intitulé « Chez nous, entre Quercy et Périgord ».

 Dit comme ça, bien sûr, l'intérêt en la circonstance paraît bien mince. Des livres de littérature dite régionaliste, il en sort comme escargots à la fin de l'orage, tous les printemps, dans tous les coins du pays.

 Pourtant ceci : Jacques et né en 1925 à Sarlat (Périgord), c'est-à-dire qu'il commence à taquiner les quatre vingt dix berges comme il dirait. Il fit de courtes études techniques à Souillac (Quercy) et, à dix-huit ans il entra dans la Résistance, dans le maquis de l'Armée secrète du Sarladais. Et là, le drame : en représailles des actions de cette Résistance sa mère, avec d'autres, fut fusillée par les nazis de la sinistre unité Das Reich, dans son village de Rouffillac, en 1994. Si vous passez par là, sur cette route longeant la Dordogne, entre Souillac et Sarlat, vous ne pouvez pas manquer la stèle qui, au carrefour du pont de Saint-Julien, interdit l'oubli.

 La paix revenue Jacques mène une vie de cheminot engagé c'est-à-dire syndiqué, mais aussi membre du PC qu'il quittera en 56 comme quelques autres qui n'acceptèrent pas l'inacceptable. Mais ce n'était là qu'une partie de sa vie, celle du travailleur militant. L'autre était celle de l'artiste. L'artiste en effet, le ferronnier d'art dont on peut voir quelque œuvres en forme d'enseignes au fronton des boutiques du vieux Souillac.

 Et puis il construisit sa maison, de ses mains, là-haut sur le Causse au-dessus du Pas du Raysse, sa thébaïde comme dit son préfacier Edmond Jouve, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Arts, Lettres et Sciences de Languedoc. La retraite venue il forgea de plus belle jusqu'à constituer un petit musée particulier qu'il fait visiter volontiers à qui passe par là.

 Mais ce n'est pas tout car s'il s'exprimait volontiers à la forge le marteau à la main, le soir venu il ne détestait pas prendre la plume et coucher sur la feuille blanche poèmes, histoires et anecdotes du temps passé quand ce n'était vitupérations, indignations face aux injustices du temps présent : pour mes petits et arrière -petits-enfants disait-il... Jusqu'à ce jour, voici peu, où il se laissa convaincre que tout cela devait être travaillé encore un peu et ...publié.

 Ainsi vint au jourson premier livre: « Ma Dordogne passionnément », distingué par le Prix « Henry Mouly » 2010 décerné par l'Académie du Languedoc. Voici donc le deuxième (alors que le troisième, j'en suis sûr, est déjà en train) qui, tournant un instant le dos à la Dordogne, nous emmène sur le Causse par cette côte en lacets sur laquelle se traîne le tracteur hissant la « tonne » d'eau qu'il vient de quérir à la rivière.

 L'histoire ici contée est celle d'une famille affrontée au progrès, à l'évolution technique et technologique du monde qui va tordre son destin. Mais alors de quel progrès s'agit-il ? Voici en effet des grands-parents qui disparaissent emportant avec eux le secret des « cambes d'ouilhes » et celui du tourin à l'ail. Des parents qui, vieillissant, voient partir leurs enfants vers des lieux de bruit et de fureur et demeurent, eux, silencieux, le regard perdu sur ces murets de pierres grisées qui ne limitent plus rien...

 Mais le récit conclu, Jacques n'est pas encore satisfait, il n'est p as sûr d'avoir dit tout ce qui pouvait être dit, tout ce qui est à dire. De sorte qu'il ajoute une postface émouvante bien sûr :

 « Lorsqu'un soir de septenbre 1925, je décidai de voir le jour […] mon père partit à vélo prévenir le médecin accoucheur au bourg voisin distant de cinq kilomètres. Il était cinq heurs du soir et le médecin prévenu par son épouse n'arriva à la maison qu'à neuf heures à l a fin de sa tournée, lui aussi à vélo. Avec le concours d'une voisine expérimentée dans ce domaine, j'étais déjà né , emmailloté et après avoir pris une première têtée, je faisais la sieste sur le sein de ma chère maman à la grrande satisfaction du docteur qui, après une rapide auscultation de la mère , prit volontiers une assiette de soupe avec mon père, heureux d'avoir un garçon... ».

 Mais aussi révoltée, de cette révolte de ses dix-huit ans dont les ans ne viendront pas à bout :

 « Dans cette société qui « évolue » sans cesse, dans la démesure sans trouver une stabilité rassurante, l'enfant naît en usine et le s vieux terminent leur vie dans un mouroir, désespérément seuls. Une autre sorte d'usine. »

(On peut commander les livres de Jacques Laporte à cette adresse : lafonlaporte@orange.fr )

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