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Billet de blog 11 décembre 2015

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Cela s'appelle fascisme

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il est temps, avant qu’il ne soit trop tard, de nommer l’idéologie véhiculée par le f.n. : fascisme !

Voici déjà quelques années je faisais remarquer (ici) les parentés entre le discours du f.n. et la doctrine mussolinienne qui, exacerbée par l’hitlérisme, donna naissance au nazisme. Parentés également avec l’idéologie phalangiste de José Antonio Primo de Rivera, le national-syndicalisme, qui contribua à porter Franco au pouvoir en Espagne.

Autorité, nation, bouc-émissaire

N’exagérons rien, entend-on dire par-ci, par-là, ce parti n’est pas fasciste, surtout aujourd’hui depuis que le vieux chef n’est plus chef. Pourtant à y regarder d’un peu près et à ne pas détourner le regard par peur du trouble qui pourrait advenir, il me semble pertinent de le réaffirmer : ce parti véhicule bien une idéologie fasciste.

En effet, la doctrine fasciste se structure sur un socle constitué par trois blocs indissociables à partir desquels se déploie le discours de l’autorité, de la nation et du bouc-émissaire avec ses variantes circonstancielles historiques et géographiques.

L’autorité que l’on ne séparera  pas ici de la domination comme forme et instrument permettant la résolution de toute question sociale problématique nécessite une mise en scène pour faire apparaître et célébrer le culte du chef.

La nation constitue alors l’espace clos, protégé  par des frontières, dans lequel  se célèbre ce culte et se joue simultanément la farce du patriotisme.

Le bouc-émissaire enfin est mis en scène en tant que « méchant », en tant que menace justificatrice de l’autorité inaliénable du chef et de l’enfermement national-patriotique.

Examinons maintenant comment ces trois éléments, autorité, nation, bouc-émissaire sont à l’œuvre aujourd’hui dans le discours et les pratiques du f.n.

Le maître ordonne

Nulle part ailleurs que dans le domaine de l’éducation ne se voit mieux l’autorité-domination en tant qu’instrument privilégié, total, totalitaire d’intervention dans le fonctionnement social.

Le professeur, le maître, est investi par l’Etat d’une autorité, donc d’un pouvoir indiscutable non en raison de son savoir ou de ses qualités pédagogiques mais en raison de son statut social qui le pose face aux élèves comme autorité (chef) incontestable. Tout le programme du f.n. en matière d’éducation est établi à partir de la division binaire de l’activité humaine. Le maître ordonne ce qui est à faire, l’enfant obéit.

 C’est ce que les adeptes de la « transmission » nomment, non pas éducation évidemment, mais instruction, terme dont on sait  qu’il est depuis toujours d’usage nécessaire dans cette autre institution disciplinaire : l’armée.

De sorte que tous ces tenants de la transmission, de l’autorité inaliénable du maître, de l’instruction, du « je parle, tu écoutes » qui hantent les plateaux et les studios sont peu ou prou, qu’ils le veuillent ou non, consciemment ou inconsciemment, les vecteurs de l’idéologie fasciste.

Mais il est heureusement des femmes et des hommes qui n’abdiquent pas devant cette violence de « l’instructionisme » comme on peut le voir en consultant le site « L’école des réac-publicains ». Car en effet il advient ordinairement que ces instructeurs se proclament républicains et que, ce faisant ils revendiquent la nation, la patrie et l’identité qu’elles confèrent mais en outre, et pour faire bonne mesure, ils brandissent élitisme et méritocratie, instances sacralisées du temple républicain devant lesquelles toutes les têtes et en l’occurrence celles des enfants doivent se courber.

Fier de…

C’est cependant le duo nation-patrie qui constitue le pilier le plus robuste de l’idéologie fasciste alors que le discours patriotique constitue l’une des aberrations les plus flagrantes produites par l’esprit humain. Car la patrie n’est rien sans le discours patriotique lequel se résume à cette simple assertion (le discours fasciste fonctionne toujours par assertions simples, de bon sens, de gros bon sens) : fier de… Fier d’être français, par exemple.

Il ne saurait en effet y avoir de patrie sans la fierté d’être… mais alors toute l’aberration se trouve dans le fait que nul n’a choisi d’être ce qu’il est. Nul n’a choisi d’être français (sinon, ironie socratique, les naturalisés comme moi mais qui n’ont pas choisi d’être français par amour de la patrie, seulement par commodité), cela nous est imposé comme nous est imposé le fait d’être né, imposé par tout ce que l’on voudra, Dieu, la providence ou je ne sais quoi. Paul, que l’on dit saint, le disait en ces termes :

« Qui te distingue en effet ? Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu pourquoi t’enorgueillir comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (Corinthiens 4,7)

Ce que je sais c’est que ma volonté n’y est pour rien comme la volonté n’est pour rien dans le fait d’être grand, petit, brun ou blond. Comment alors pourrait-on être fier de ce à quoi notre volonté est étrangère ? On peut être heureux d’être, par hasard, né ici plutôt que là parce que la soupe y est plus copieuse et le climat plus clément, mais fier, certainement pas.

Montesquieu le disait ainsi :

 « Je suis nécessairement homme et je ne suis français que par hasard ».

 Un peu plus tard Lamartine ajoutait :

 « l’égoïsme et la haine ont seuls une patrie, la fraternité n’en a pas ».

Quant à Epictète rejoint par Einstein, ce citoyen du monde, deux mille ans plus tard, il n’y allait pas non plus par quatre chemins :

« Quand on lui demandait (à Socrate) de quel pays il était, il ne disait jamais qu’il était d’Athènes ou de Corinthe, mais qu’il était du monde » (Entretiens, livre 1).

Comment ne pas voir alors que récusant en si bonne compagnie le « fier d’être », l’enfermement patriotique et nationaliste, ce pilier porteur, c’est tout l’édifice idéologique du fascisme qui s’écroule car c’est tout de go l’autorité-domination qui se voit récusée par la fraternité.

Les paresseux

Et revenant un instant à l’éducation, il s’avère alors que le maître n’est plus le chef mais celui qui, dégagé du fatras patriotique, nationaliste et impositif, partage fraternellement ce qu’il sait et ce qu’il est. Ce qui s’appelle pédagogie et demande investissement, savoir faire, engagement, l’exact inverse de l’attitude « instructioniste »,  autoritaire et paresseuse.

Nos instructeurs en effet sont d’abord des paresseux se reposant sur le matelas de l’autorité qui leur est conférée par l’institution.

Ainsi en va-t-il dans la société des adultes. Les adulateurs de l’autorité sont des paresseux car rien n’est plus simple et reposant que de gouverner par décrets, rien de plus simple que de gouverner quand les têtes s’abaissent devant les gesticulations du chef.

Rien de plus difficile à l’inverse que la recherche de l’accord, du compromis, rien de plus difficile que l’exercice de la démocratie, d’autant plus difficile qu’elle est plus « directe », plus autogestionnaire.

Le bouc-émissaire

Cependant l’exercice de l’autorité dans le cadre de la nation bouillonnante de ferveur patriotique ne suffit pas  à établir et conforter durablement la figure du chef. Il convient alors, comme l’ont fait tous les fascismes de désigner un bouc-émissaire face auquel le patriote pourra éprouver la fierté d’être ce qu’il est.

Le bouc-émissaire est porteur de tous les dangers, responsable de toutes les calamités qui pervertissent la nation et flétrissent la patrie, il est le porteur de la peste qui s’introduit sur cette terre qui n’est pas la sienne et qui en sera souillée si l’on n’y met pas bon ordre. Il convient donc de le pourchasser, de le rejeter, de le bannir et, s’il le faut de l’exterminer. Le bouc-émissaire est, on le sait, juif, communiste, anarchiste, homosexuel, gitan, rom… immigré.

On le sait, on sait tout cela… à moins qu’on ne le sache pas assez, ce qui expliquerait qu’une multitude de femmes et d’hommes soient prêts à se jeter dans l’aventure du fascisme,  pour essayer, entend-on dire et en outre parce que ces gens-là, ces porteurs de l’idéologie fasciste, s’adressent à nous, petites gens, dans une langue simple que nous comprenons et qu’ils nous proposent des solutions de bon sens : contre le chômage, expulsion des étrangers, contre l’immigration, fermeture des frontières et jusqu’à faire payer les riches s’il le faut…

Car le fascisme s’est toujours approprié des bribes d’un discours gauchisant et même révolutionnaire. Ce n’est pas pour rien que le mot socialisme fut accolé au mot national et que Mussolini usait d’une rhétorique apprise pendant ses années de militantisme révolutionnaire. Ce n’est pas pour rien non plus que le fascisme espagnol s’intitulait national-syndicalisme et faisait sien des pans entiers du discours du puissant anarcho-syndicalisme de l’époque.

Question

Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment nous sommes-nous comportés pour nous retrouver en ce début de siècle avec un parti fasciste prêt à prendre le pouvoir ? Question que l’on ne peut plus éluder mais que devraient se poser, avant qu’il ne soit trop tard, toutes celles et ceux qui depuis si longtemps n’ont jamais cessé de manifester leur patriotisme, d’entonner l’hymne en toutes circonstances et d’agiter leur drapeau tricolore sous prétexte de ne pas laisser les symboles de la République aux extrémistes et qui, ce faisant, n’ont cessé de leur ouvrir la voie.

Car ces symboles, nation, patrie drapeau, hymne, n’ont plus la signification révolutionnaire de 1789-93 :

« Le mot (nation) jusqu’en 1880 appartenait au vocabulaire républicain et de la gauche. A partir des années 1890 il va passer à droite. La nation n’est plus définie comme le corps souverain du peuple contre la noblesse, lié par le contrat social et le triptyque « liberté, égalité, fraternité ». La nation renvoie désormais à l’idée de protection contre l’étranger ». (P. Rosanvallon, Rue89, 26 juin 2012).

Question que devraient se poser toutes celles et ceux qui ne cessent de reprocher à tel ou tel sportif de ne pas entonner l’hymne, toutes celles et ceux qui dans le domaine de l’éducation, de Chevènement à Vallaud-Belkacem en passant par Royal et le ministre Mélenchon, n’ont cessé de vouloir faire chanter la Marseillaise à des enfants, toutes celles et ceux qui veulent « former » des citoyens, c’est-à-dire inculquer (ce qui veut dire étymologiquement tasser avec les pieds – A. Rey) les « valeurs » de la République à coup de cours d’éducation civique et morale  alors que n’importe quel  enseignant débutant sait que cela ne s’apprend pas en cours (une heure en fin de journée alors que tout le monde s’en fout) mais se vit, doit se vivre concrètement dans l’école mais encore faudrait-il que l’école soit un lieu de vie et non lieu fermé de sinistre instruction.

Responsabilité

Ils portent une lourde responsabilité ces gouvernants de gauche et de droite qui depuis si longtemps brandissent les symboles de la République feignant d’ignorer qu’ils ne sont plus ceux de la liberté, de l’égalité et de la fraternité mais ceux du fascisme rampant dont ils ont cru malin de se servir, à tour de rôle, pour parvenir ou se maintenir au pouvoir.

Peut-être serait-il plus équitable de dire que nous portons tous une lourde responsabilité nous laissant aller à la confortable routine d’un quotidien médiatisé par une technologie ludique et envahissante qui occulte le monde qu’on ne regarde plus qu’à travers un écran alors que la peste s’insinue dans les esprits rivés à l’écran.

Il est temps me semble-t-il de se détourner, non de tous les écrans, mais des écrans contaminés par la peste. Ce sont les plus scintillants, les plus ludiques, les plus national-patriotiques. Il est temps de regarder l’état du monde, son délabrement pour rejeter aux poubelles de l’histoire le national-patriotisme qui a toujours conduit à des catastrophes  et prendre conscience qu’il n’est qu’une seule patrie, la terre entière et, avant qu’il ne soit trop tard de nommer les  choses : Le triptyque « autorité, national-patriotisme, bouc-émissaire », cela s’appelle fascisme.

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