Nestor Romero (avatar)

Nestor Romero

Enseignant... encore un peu

Abonné·e de Mediapart

316 Billets

0 Édition

Billet de blog 12 février 2025

Nestor Romero (avatar)

Nestor Romero

Enseignant... encore un peu

Abonné·e de Mediapart

Je suis Français par hasard

Un ministre, celui de la Justice, après avoir été celui de la police et espérant devenir un jour ni plus ni moins que Président de la République, Darmanin donc, a osé cette incommensurable absurdité : « on n'est pas Français par hasard ! » (TF1, 7février)

Nestor Romero (avatar)

Nestor Romero

Enseignant... encore un peu

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un ministre, celui de la Justice, après avoir été celui de la police et espérant devenir un jour ni plus ni moins que Président de la République, Darmanin donc, a osé cette incommensurable absurdité : « on n'est pas Français par hasard ! » (TF1, 7février)

Absurde ! Évidemment absurde, mais peut-être plus que cela : grotesque ! Car de fait, on est ceci ou cela, Français ou Pétaouchnokois absolument par hasard : en effet, quel acte de volonté, quelle volition a accompli celui ou celle né(e) sur cette terre ou sur n'importe quelle autre ? Aucun ! Seul le hasard en a décidé, si l'on peut dire.

Mais voici que ce ministre invoque, précisément, la volonté comme acte permettant, non pas d'être français, mais d'accéder à la nationalité française, d'avoir des papiers comme disent ceux qui n'en ont pas. Et, bien sûr, on tombe ici dans le puits sans fond de l'absurde puisque, à ce compte seuls celles et ceux qui ont accompli l'acte de demander la naturalisation et l'ont obtenue pourraient se prévaloir d'être Français. Les autres nés sur cette terre, comme ils auraient pu naître ailleurs, sans la moindre volition de leur part, sont effectivement Français par hasard.

Mais bien sûr le ministre en question n'en reste pas là et le voici qui invoque la nécessaire, selon lui, adhésion non seulement aux « valeurs » de la République (quelle République ? La sienne n'a certainement pas grand chose à voir avec la mienne), mais aux traditions, à la culture, à la cuisine et au folklore, bref à tout ce qui fait « sa France » mais certainement pas la mienne.

Car si j'ai demandé ma naturalisation à l'âge de dix-huit ans ce n'était évidemment pas par adhésion à je ne sais quelle France éternelle mais plus prosaïquement parce que j'avais besoin de trouver du travail ce qui était plus aisé comme Français qu'en demeurant Espagnol. Il y a là, dans ce commandement à adhérer à on ne sait quelles « valeurs » une abyssale hypocrisie et un incommensurable mépris à l'encontre de celles et ceux qui ont dû quitter leur terre souvent au péril de leur vie, terre sur laquelle ils sont nés eux aussi... par hasard

Et nous voici à nouveau plongés dans le bon vieux débat Fichte-Renan ce qui est fort commode en tant que procédé de diversion. Diversion de ce moment historique qui nous est tombé dessus et que l'on peut peut-être caractériser, au-delà de la dichotomie hasard/nécessité, par le processus en cours d'extinction de la vie sur terre et l'affrontement entre la conception libertaire de la liberté et la conception libertarienne, cet autoritarisme fascisant revendiqué par ces fous furieux que sont Trump, Musk, Milei, Le Pen et consort qui, en dernière instance, est un attentat contre la Vie.

Tout cela au nom de la Nation, de la Patrie dont les militants font peu de cas de ces notions complexes, hasard, nécessité, déterminisme, libre-arbitre et démocratie qu'ils ignorent quand ils ne les jettent pas en pâture dans les « médias » au cours de la compétition (encore une notion complexe...) qu'ils se livrent dans leur course au pouvoir.

Conclusion : je suis Français par hasard ! qui sait ? enfant peut-être de ce clinamen épicurien, cette légère déviation d'atomes qui a été mais qui aurait pu ne pas être et qui en cela me confère la liberté d'être ou de ne pas être Français, la liberté de refuser toutes les impositions national-patriotiques, la liberté de les combattre.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.