Il a tout gagné comme on dirait d’un grand champion de n’importe quel sport. Il a gagné le secrétariat général avec un score pour ainsi dire castriste (89,6%). Ses partisans occuperont 60% des sièges du Conseil citoyen (organe de direction) soit 37 conseillers contre 23 pour Errejón et 2 pour les anticapis de Miguel Urbán et Teresa Rodriguez. Il a gagné sur tous les documents présentés aux suffrages des militants (politique, organisation, éthique, égalité), il est donc, sans aucune contestation possible le « leader máximo », au demeurant fort attentionné et sympathique (il faut le voir prendre sous son aile ce pauvre militant qui voulait lui aussi s’exprimer à la prestigieuse tribune de Vistalegre).
Et maintenant que va-t-il se passer ? Les milliers de militant(e)s n’ont cessé de scander pendant ces deux jours « unité, unité » mot d’ordre impératif auquel Teresa Rodriguez (anticapis) a suggéré d’ajouter : « humilité ! ». Iglésias dans son discours de clôture a repris les deux mots : « unidad » y « humildad ». Ce qui ne va pas être facile.
Car les minoritaires de ce congrès, les partisans de Errejón, avaient beau sacrifier aux embrassades de rigueur ils ne pouvaient dissimuler leur grise mine car ils ne sont pas simplement des minoritaires dans un processus démocratique, ils sont les vaincus d’une longue bataille qui s’est livrée depuis plus d’un an et au cours de laquelle ne se sont pas seulement affrontés politiquement des militants mais surtout humainement des personnes.
Le retrait de personnalités aussi engagées que Luis Alegre (fondateur) claquant la porte avec un texte extrêmement violent dénonçant nommément « l’entourage » de Iglesias, et de Carolina Bescansa (fondatrice) dans un style plus feutré mais non moins révélateur, est significatif de l’âpreté des conflits.
Iglesias est maintenant tout puissant. Imagine-t-on ce que cela signifie pour un homme qui n’a jamais cessé de tresser des lauriers à Castro, à Chavez sans parler de Lénine et de Pasionaria. Comment ne serait-il pas persuadé, aujourd’hui comme jamais, que ce prénom que ses parents lui donnèrent en hommage au Pablo Iglesias fondateur du PSOE n’est pas un signe de je ne sais quel destin ?
Il dit d’ailleurs lui-même dans un de ses innombrables discours : « je ne m’appelle pas Pablo Iglesias par hasard ». Comment alors va-t-il pouvoir résister à ce pouvoir absolu qui vient de lui échoir ? Comment va-t-il pouvoir se défaire de cette destinée que les moires semblent lui avoir tissée ? Comment va-t-il pouvoir ne pas succomber à cette ivresse du pouvoir qui semble le saisir dès qu’il prend la parole derrière un pupitre ?
Une première indication nous sera donnée par le sort qu’il va réserver à son vieux copain devenu un redoutable concurrent ĺñigo Errejón. Pour le reste il revient aux élus, aux responsables, aux simples militants de se défaire de toute fascination, de laisser là la passion de ces deux jours de Vistalegre , d’en revenir à la raison et de veiller à ce que celui qu’ils ont élu sache qu’ils ne l’ont pas fait roi.