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Billet de blog 14 novembre 2013

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De Gaulle, Franco, Hidalgo

Le 8 juin 1970 De Gaulle visite l’Espagne et… Franco. Il serre cette main qui avait serré celle d’Hitler, le 23 octobre 1940 à Hendaye, au grand effroi de François Mauriac qui, dans son Bloc-Note du Figaro, se dit « glacé » et à la confusion de Malraux qui en bafouille plus que de coutume.

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Le 8 juin 1970 De Gaulle visite l’Espagne et… Franco. Il serre cette main qui avait serré celle d’Hitler, le 23 octobre 1940 à Hendaye, au grand effroi de François Mauriac qui, dans son Bloc-Note du Figaro, se dit « glacé » et à la confusion de Malraux qui en bafouille plus que de coutume.

Que se dirent ces deux « grands hommes » ? On ne sait trop mais on imagine la satisfaction du petit « Paco » à cette reconnaissance de lui-même et de son régime par le « grand Charles », ceci à une époque où le « caudillo » était la honte d’un Occident qui avait préféré la stabilité franquiste à l’éventualité d’une république socialement trop remuante.

Cependant la question demeure aujourd’hui encore : quel besoin avait De Gaulle de rendre visite à ce dictateur sanglant ?

Peut-être trouverait-on un élément de réponse dans ce concept gaulliste de « grandeur », celle de la France, mais celle aussi des « grands hommes » qui, ennemis un jour se retrouvent « au-dessus de la mêlée »  en tant que « grands acteurs de l’histoire ».

Cependant, la relation de De Gaulle avec l’Espagne est bien antérieure à cette poignée de main. Peut- être commence-t-elle le 24 août 1944 quand le premier char de la 2e DB de Leclerc franchit, à 20h41, le boulevard extérieur à la Porte d’Italie. Car sur ses flancs est inscrit le nom d’une ville d’Espagne : Guadalajara.

Nom d’une ville mais surtout nom de la seule grande victoire de l’armée républicaine sur les troupes franquistes en l’occurrence essentiellement italiennes. Victoire obtenue sous le commandement d’un général… libertaire qui finira sa vie en France comme ouvrier maçon, l’ouvrier qu’il n’avait jamais cessé d’être : Cipriano Mera. Grand homme ?

Les chars qui venaient à la suite du Guadalajara portaient des noms  tout aussi évocateurs : don Quijote, Ebro, Brunete, Madrid…  C’est qu’ils constituaient la 9e Compagnie du régiment de marche du Tchad de la 2e DB, la fameuse « Nueve » composée exclusivement d’Espagnols majoritairement libertaires et commandée par un Français, le capitaine Dronne (Evelyn Mesquida, « Ces Républicains espagnols qui ont libéré Paris », Le Cherche Midi, 2011).

Ce sont eux qui parviennent les premiers à l’Hôtel de Ville où ils installent sans délais un premier canon baptisé « el Abuelo »(le grand-père). Et, naturellement, quand De Gaulle arrive et effectue sa fameuse descente des Champs-Elysées, ce sont eux que l’on voit dans leurs engins à quelques mètres derrière les personnalités, assurant leur protection.

 Mais quand une grande banderole aux couleurs de la République espagnole est déployée (car bien sûr il reste maintenant l’Espagne à libérer) l’ordre est donné de la faire disparaître immédiatement. Ce sont des Français qui doivent avoir libéré Paris, et personne d’autre, n’est-ce pas ? Grandeur sans doute que cela. 

 Les 16 et 17 septembre De Gaulle est reçu à Toulouse par le jeune résistant Serge Ravanel qui vient de libérer la ville. Le contact entre les deux hommes est « rugueux », Ravanel étant soupçonné de « communisme » (Serge Ravanel, « L’Esprit de Résistance », Seuil, 1995).

Néanmoins ils président ensemble le défilé de la victoire. Et voici que s’avance une curieuse troupe, des hommes accoutrés de bric et de broc qui portent tous un casque allemand… peint en bleu. Ce sont les Républicains espagnols qui dans le Sud-Ouest ont initié et pris une part importante à la résistance et qui comptent bien maintenant passer les Pyrénées.

De Gaulle demande qui sont ces hommes fort peu militaires à son goût. Les Républicains espagnols, répond Ravanel. Pittoresque ! commente le grand homme, dédaigneux. Grandeur sans doute que cela… 

Foin ici de patriotisme, de nationalisme, je demeure pour ma part sans patrie ni frontières. Ce n’est donc pas parce qu’Anne Hidalgo est issue de ces Espagnols méprisés par De Gaulle qu’elle aurait dû refuser l’invitation à Colombey ce 9 novembre mais parce que je sais qu’elle connaît parfaitement l’histoire que je viens de raconter et que comme  femme de gauche elle sait aussi qu’il n’est pas de « grand homme » mais simplement « Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui » (J.-P. Sartre, Les mots).

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