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Billet de blog 16 janvier 2023

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Madame Macron la “gommeuse”

A-t-on prêté une attention suffisante à ce verbe, “gommer”, employé par B. Macron dans sa désormais célèbre occurrence quant au port de l’uniforme à l’école ? Je n'en suis pas sûr...

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Voici donc que la “jupette” et le joli pull constitutifs de l’uniforme ont pour fonction de “gommer les différences” soit, si les mots ont un sens, d’effacer les singularités.  

Mais, de quelles différences est-il question ? De toute évidence il ne peut s’agir de “gommer” les différences inéluctables, morphologiques, grand/petit, gros/maigre, brun/blond...  

Il s’agit évidemment d’occulter non pas les “différences” mais bien plutôt les inégalités sociales révélées aux yeux de tous par la qualité du vêtement porté par les enfants. 

Volonté d’occultation qui, à l’égal de la tendance actuelle à l’euphémisation, constitue l’essence même de l’idéologie néo-libérale. Ainsi, dans cette langue, ne dit-on pas “pauvre” par trop choquant et vulgaire dans la bouche des gens “chic” mais “défavorisés” ou mieux encore ”modestes”. 

Illustration 1

De même évite-t-on de dire “vieux” pour “gommer” ce que certaines connotations du mot peuvent, en ces temps de “réforme de la retraite”, évoquer de pauvreté et parfois même de répugnance. On dit “senior” ce qui a tout de même une autre allure et une certaine efficacité d’effacement (pour ma part je suis vieux et seulement señor de l’autre côté des Pyrénées). 

En outre, ose dire cette femme dont les toilettes quotidiennes équivalent pour le moins au salaire mensuel d’un(e) smicard(e), l’uniforme économise le temps car voyez-vous “c’est chronophage de choisir comment s’habiller le matin”... 

Mais alors le propos n’atteint-il pas ici à ce que G. Orwell qualifiait d’indécence ? Ignore-t-elle, cette femme, qu’une multitude d’enfants ne dispose pas du privilège d’être dans le cas, tous les matins, d’avoir à choisir un vêtement ? Qu’ils n’auront d’autre “choix” que de se saisir du pantalon et du chandail qu’ils portaient la veille et qu’ils porteront le lendemain ? 

Ces enfants de personnes pauvres ne se voient-ils pas alors “gommés”, effacés en tant que “personne” par cette idéologie, cette propagande qui a pour fonction de promouvoir et d’inculquer l’idée que la seule réalité possible est celle d’un fonctionnement social fondé sur la marchandisation, sur la production de tout et n’importe quoi, cette mortifère “économie de l’offre” qui nous mène à la catastrophe ? 

L’uniforme, militaire ou civil, n’a jamais eu d’autre fonction que d’effacer les singularités, de “gommer” toute subjectivité. Mais il s’agit ici d’enfants, d’éducation, d’école, de lieu de vie et d’apprendre, non d’occultation et d’effacement, raison pour laquelle ce propos, il convient d’y insister, atteint à l’indécence. 

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