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Billet de blog 17 avril 2020

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Confinement des vieux : je n'obéirai pas!

Et voici, que pour couronner le tout, les erreurs commises et les mensonges proférés, il est question maintenant d'un « déconfinement » discriminatoire. Les vieux, dont je suis, devraient rester confinés au prétexte qu'ils sont des proies appréciées du virus et donc contaminants en puissance.

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 Et voici que pour couronner le tout, les erreurs commises et les mensonges proférés, il est question maintenant d'un « déconfinement » discriminatoire. Les vieux, dont je suis, (cessons enfin les euphémismes, señors, anciens, aînés, empêtrés et condescendants) devraient rester confinés au prétexte qu'ils sont des proies appréciées du virus et donc contaminants en puissance.

Je renvoie sans plus attendre à l'avis autorisé de Gaëtan Gavazzi, professeur de gériatrie au CHU de Grenoble, qui s'élève de manière argumentée contre une telle mesure (c'est ici).

Ce qui, lu et médité, me renvoie, je ne sais pourquoi, à cet immense poète et philosophe que fut Georges Brassens et qui dans un beau et malicieux texte intitulé « Le temps ne fait rien à l'affaire », passe, l'air de rien, d'un relativisme de bon aloi : « Petits cons de la dernière averse, vieux cons des neiges d'antan », à un essentialisme de tout aussi bon aloi : « Quand on est con, on est con ! ».

Car la question est celle-ci : qu'est-ce donc qu'être vieux ? Voici ce que dit un interlocuteur du professeur grenoblois : A 70 ans, sportif entraîné et par ailleurs médecin et informé, je ne me plierai pas à des mesures qui porteraient atteinte à mon équilibre et à ma liberté. Ma position qui consiste à dire que je présente moins de risques qu'un homme obèse et hypertendu de 50 ans, vous paraît-elle sensée ?

Réponse du professeur Gavazzi : Plus que sensée !

Bien sûr, j'approuve, et ceci d'autant plus qu'avec huit ans de plus que ce médecin, je suis à peu près dans « le même état » que lui et que si ce confinement me prive surtout de la joie de pouvoir embrasser mes enfants, il me prive aussi de mes courses dans les allées du bois de Vincennes et de longues déambulations dans ce Paris printanier.

Le temps, donc, revenons au relativisme du poète, ne fait rien à l'affaire, il est des prédisposés de tous âges, chacun(e) d'entre nous est un être singulier qu'il convient donc de traiter dans sa singularité et si je crois nécessaire d'observer autant que quiconque les prescriptions-barrières préconisées unanimement par les scientifiques, je refuse que mes cheveux blancs soient le signe d'une discrimination. Disant cela et conscient des objections que ces mots peuvent soulever, je crois pouvoir affirmer qu'il ne s'agit pas là d'un propos hyperbolique.

Car, que ce soit en France ou en Espagne, qui sont les deux pays que j'observe attentivement (et sans doute ailleurs aussi), il se produit des événements inqualifiables. Il se trouve des personnes, des hommes et des femmes pour se conduire de manière bestiale, abominable.

En France, du côté de Montpellier, on s'en souvient, une infirmière est chassée de son domicile par des logeurs irresponsables, des pompiers sont agressés, insultés, des homosexuels insultés car soupçonnés d'être porteurs du virus.

Illustration 1

En Espagne, à Madrid une employée d'une grande surface trouve en rentrant chez elle une affichette sur sa porte lui intimant d'aller vivre ailleurs pour éviter de contaminer ses voisins puisque elle aussi, travaillant, peut être porteuse du virus. A Barcelone une soignante, médecin, trouve sa voiture taguée en ces termes : « rata contagiosa », rat contagieux.

Ce qui nous renverrait à l'essentialisme chanté par le poète si ce n'était pas si grave: quand on est con, on est con... Mais c'est grave, car il s'agit, consciemment ou, pire encore, inconsciemment de la désignation de boucs émissaires, soignants, employés de supermarchés, homosexuels (en souvenir du SIDA sans doute) pompiers, vieux... Et on le sait, le bouc émissaire est l'un des trois socles sur lesquels repose l'idéologie fasciste, les deux autres étant le nationalisme et l'autorité sous la forme de culte du chef.

De sorte que ces événements lamentables nous indiquent que la pandémie qui s'abat sur le monde draine un autre virus tout aussi invisible qui s'introduit dans les esprits et répand une autre pandémie attisée, comme le vent attise les braises, par des propos irresponsables de certains gouvernants et ceux criminels de fous parvenus au pouvoir avec l'approbation, comme cela fut le cas autrefois, de foules subjuguées par des discours d'exclusion.

Il importe donc de veiller à ce que cette pandémie sous-jacente, ce fascisme rampant ne déferle pas sur le monde. Il est urgent de s'y opposer dès maintenant, avant qu'il ne soit trop tard comme ce fut le cas jadis.

Telles sont les raisons pour lesquelles je ne me plierai pas, moi non plus, à des mesures qui porteraient atteinte à mon équilibre et à ma liberté. Je n'obéirai pas à des injonctions non seulement absurdes mais discriminatoires qui me désignent comme bouc émissaire.

Stigmatisés et discriminés de tous les pays, vieux, soignant(e)s, travailleuses et travailleurs en première ligne, homosexuel(le)s, il est encore temps de dire non à l'absurde fascisant.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.