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Billet de blog 17 septembre 2016

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Foulard et "aliénation volontaire"

Peu m'importe que des hommes et des femmes aillent par les rues et les plages couverts des pieds à la tête et que d’autres en ces mêmes lieux déambulent nus comme des nouveau-nés. Peu m’importe. Adepte du fameux et soixante-huitard aphorisme « il est interdit d’interdire ! » je ne reconnais à personne le droit d’imposer à qui que ce soit quelque code vestimentaire que ce soit.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Peu m’importe que des hommes et des femmes aillent par les rues et les plages couverts des pieds à la tête et que d’autres en ces mêmes lieux déambulent nus comme des nouveau-nés. Peu m’importe. Adepte du fameux et soixante-huitard aphorisme « il est interdit d’interdire ! » je ne reconnais à personne le droit d’imposer à qui que ce soit quelque code vestimentaire que ce soit.

Pour cette même raison (il est interdit d’interdire !) je m’autorise le droit au commentaire, le droit de dire et d’écrire que ces hommes vêtus de longues « robes », couverts d’une calotte et le visage mangé par une épaisse barbe, ces femmes couvertes de la tête aux pieds ou encore ces femmes et ces hommes arborant une croix , ou ceux dont le vêtement s’orne de fils blancs (tsitsit)  que toutes ces personnes, qu’elles le veuillent ou non, qu’elles en soient conscientes ou non, exhibent ostensiblement la soumission à un dogme.

Que chacun se vête comme il lui plaît

Affirmant comme je viens de le faire la liberté de chacun à se vêtir comme il lui plait et pour les raisons qui le regardent, je ne participe pas de ce « laïcisme frénétique » qui, parait-il selon Farhad Khosrokhavar (le Monde du 9 septembre 2016) et sans doute bien d’autres, voudrait interdire foulards et autres insignes religieux, en l’occurrence islamiques, dans l’espace public. Non, encore une fois que chacun se vête comme il lui plait.

Pour autant il ne m’est pas possible de suivre le billettiste cité ci-dessus quand il précise, entre autres affirmations péremptoires, que « … Dans l’écrasante majorité des cas, l’initiative vient des jeunes femmes et, si aliénation il y a, elle est de nature volontaire et fondée sur l’affirmation de soi de la femme et non sur la soumission au mari, au père, au frère ou à la mère ».

On ne sait sur quelles études, quelles statistiques s’appuie cette affirmation sur « l’aliénation volontaire » des jeunes femmes mais il n’en demeure pas moins que l’acte de se voiler, de porter tel vêtement ou tel couvre-chef est un acte de soumission. Soumission à un dogme, à une religion, à Dieu. Ce qui est leur affaire, chacun est libre de « s’aliéner volontairement » comme il l’entend.

Je ne crois pas non  plus entrer dans la catégorie des « intellectuels républicanistes » ou des « politiciens populistes » si je conteste l’affirmation du professeur ci-dessus cité selon laquelle « la laïcité triomphante couronnée par la loi de la séparation des Eglises et de l’Etat a été beaucoup plus tolérante que le laïcisme actuel » (soit dit en passant curieuse conception du débat de la part d’un directeur d’études à l’EHESS que celle de stigmatiser d’éventuels contradicteurs à l’aide de ces adjectifs en iste et en isme tellement à la mode de nos jours).

 La bataille en effet fut bien rude à la fin du dix neuvième et au début du vingtième entre libres-penseurs athées ou agnostiques et les défenseurs d’une Eglise dans sa toute puissance. Il n’est que de relire, par exemple, l’histoire des inventaires des biens de l’Eglise pour s’en convaincre.

Vérité et totalitarisme

Cependant, laissons pour l’instant ces questions de vêture pour en venir, à ce qui me paraît être le cœur du problème posé par les religions quelles qu’elles soient. Toutes proclament détenir La Vérité (puisque la Vérité est en Dieu, la Vérité est Dieu) et non leur vérité ce qui serait ravaler Dieu à une simple opinion parmi tant d’autres.

Et c’est en cela, en cette proclamation de La Vérité, que toute religion porte en elle les germes du totalitarisme, que toute Eglise est une institution sociale potentiellement totalitaire. Car l’Eglise non seulement proclame mais se donne pour mission de convertir, d’amener chacun à La Vérité, à Dieu et, ainsi, instaurer un ordre social selon les commandements de  Dieu et de ses prophètes.

Il convient ici, cependant de préciser les termes employés de manière à éviter autant que faire se peut ambiguïtés et confusions. J’entends donc par Eglise une institution sociale hiérarchisée rassemblant des personnes ayant les mêmes croyances, obéissant aux mêmes dogmes (constituants d’une doctrine regardée par les fidèles comme La Vérité) et se donnant pour mission d’instaurer avec ou contre l’Etat un mode de vie sociale accordé à ces dogmes.

L’histoire sanglante de la Chrétienté comme celle non moins sanglante de l’Islam ainsi que, par exemple, le texte du « herem », véritable appel au meurtre prononcé par les chefs de la communauté juive d’Amsterdam à l’encontre de Spinoza, témoignent à mon sens suffisamment du caractère totalitaire de toute institution proclamant La Vérité.

Et il ne peut en être autrement car pour une religion (précisons ici encore : j’entends par religion l’ensemble des pratiques rituelles célébrant Dieu) ne pas prêcher La Vérité, ne pas tenter de convertir les hommes et les femmes qui sont dans l’erreur reviendrait à poser un doute, à douter de Dieu, ce qui ne se peut pas.

Les fous de Dieu

 C’est ainsi que l’Eglise, cette institution sociale, ne peut qu’imposer ses dogmes et un mode de vie et c’est ainsi que la religion catholique apostolique et romaine, par exemple, a dans nos contrées, imposé au cours des âges ses monuments, ses cathédrales mégalomaniaques désignant le ciel de ses flèches, ses abbayes et ses couvents, ses croix à tous les carrefours jusqu’à ses sonnailles à toute heure du jour et de la nuit. Et tout cela imposé à tous, croyants et athées, sans le moindre respect pour ces derniers qui ont été pourchassés tout au long de l’histoire jusqu’à il y a peu dans certains  pays (Espagne franquiste par exemple).

Et cette Eglise introduit évidemment ses missionnaires et prédicateurs dans toutes les structures sociales et particulièrement dans l’école au mépris du plus élémentaire respect de la liberté de conscience de ces enfants.

Mais alors l’Eglise, toute église, comme toute autre organisation totalitaire, sécrète nécessairement ses « extrémistes » comme l’on entend dire de nos jours, ses fous de Dieu prêts à tuer et à s’immoler joyeusement au nom de Dieu.

A cet égard les exégètes des Écritures qu’elles soient coraniques ou bibliques se fourvoient quand ils rabâchent qu’il convient de ne pas prendre tel verset sanglant ou telle sourate non moins sanglante au pied de la lettre mais qu’il faut en dégager la symbolique, le sens caché mais seul vrai. Ils se fourvoient car les écritures ne s’adressent pas aux seuls exégètes mais d’abord à la multitude de celles et ceux qui ne savent que prendre les phrases et les mots au pied de la lettre.

Les « fous de Dieu » sont produits par toutes les religions, par ces Eglises qui dictent les comportements en connivence avec le pouvoir d’État et d’autant plus que ce pouvoir est autoritaire.

Telles sont les raisons pour lesquelles ces vêtements, ces signes ostentatoires manifestent une soumission, la soumission à un dogme, à un totalitarisme qui, en tant que tel prétend soumettre le monde entier à La Vérité.

Que chacun(e) se vête donc comme il lui plaît mais cette liberté m’autorise d’un même mouvement à dénoncer le totalitarisme religieux dont certains vêtements sont les étendards et dont les « fous de Dieu » ont toujours été les sinistres soldats.

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