L’école qu’ils veulent construire est tout simplement une monstruosité, une école du malheur, du malheur des enfants, du malheur des parents, du malheur des enseignants. Cette école, si nous les laissions faire, serait bâtie sur un seul principe : l’Autorité (avec un grand A), non pas l’autorité que confère le savoir aux enseignants mais l’autorité absolue du Chef, en l’occurrence du chef d’établissement dans le cadre d’une « autonomie » qui est une pure fiction puisque le chef d’établissement est nécessairement soumis à une autorité supérieure laquelle est soumise à l’autorité du gouvernement.
On connaît la chanson
Et ce gouvernement que préconiserait-il ? Quelles structures mettrait-il en place si nous le laissions faire ? Celles d’une « école-caserne » ! Et il n’y a là nulle exagération dans le propos car voici l’un martelant qu’il rendra obligatoire le port de l’uniforme, le salut au drapeau et le chant de l’hymne national. Voici l’autre, ancien ministre de l’Education, ce dont nulle trace ne subsiste dans l’Institution, qui en outre se propose de sanctionner, « de mettre fin aux fonctions de ceux qui ont la responsabilité des programmes » car , sachez que la faute de la situation lamentable de l’école n’est pas celle des professeurs (ce sont tout de même des électeurs) ni évidemment des ministres successifs mais celle « d’une caste de pédagogues prétentieux qui ont imposé des programmes jargonnants et pris en otage nos enfants au nom d’une idéologie égalitariste… ».
On connaît la chanson, c’est celle que chantent depuis des décennies l’extrême-droite fascisante vitupérant les pédagogues, les « pédagogistes » comme disent ceux que je nomme volontiers « les instructeurs », c’est-à dire les défenseurs d’une école militarisée, une école du « je parle, tu écoutes » et de préférence, nous disent les candidats unanimes, le petit doigt sur la couture du pantalon (voir: l'Ecole des réac-publicains, la pédagogie noire du F.N. et des néoconservateurs de G. Chambat, ed. Libertalia).
Les fondamentaux
Pour le reste, unanimes aussi, ces candidat(e)s veulent impérativement « revenir aux fondamentaux », apprendre la lecture dès cinq ans et ne pas laisser passer en cours élémentaire les enfants qui ne sont pas au niveau, assène un ancien Président qui, on le sait, s’y connaît en matière de lecture. Unanimes également pour ignorer que dans l’un des pays obtenant les meilleurs résultats dans les enquêtes internationales, la Finlande, l’apprentissage de la lecture-écriture commence à… 7 ans. Si ce n’est que parvenus à ce point, pratiquement tous les enfants savent déjà lire et écrire et que l’apprentissage qu’ils entreprennent alors consiste en une prise de conscience de ce qui est déjà su. C’est à se demander comment ils font ces enfants pour parvenir à lire sans «leçons de lecture »…
Peut-être ces candidat(e)s seraient-ils bien inspirés de se renseigner quelque peu auprès de pédagogues, de pédagogistes (expression utilisée par Montaigne qui fait appel à eux pour s’opposer aux « instructeurs de l’époque » qui menaient les enfants à la férule) qui leur expliqueraient ce que c’est que la pédagogie active, institutionnelle, de projet, etc., et qui leur enseigneraient qui sont ces pédagogues : Pestalozzi, Fröbel, Robin, Ferrer, Dewey, Steiner, Montessori, Makarenko, Ferrière, Cousinet, Freinet, Rogers, Decroly dont la devise était : « apprendre par la vie pour la vie »… Et bien d’autres encore.
Neutralité de l’école et patriotisme
Mais non, tout cela est bien trop compliqué pour eux, ils en resteront au salut au drapeau, à l’uniforme qui efface la condition sociale, à l’hymne chanté au garde-à-vous, à l’autorité du chef et aux… fondamentaux. Ils en resteront à l’école de la ségrégation sociale car leurs propres enfants ne se découvriront jamais un « talent de mécanicien » comme dit l’un d’eux aussi inénarrable que les autres, car il se trouve simplement que celles et ceux qui se découvrent un talent de mécanicien ou de caissière (pardon à elles et eux, mon propos n’est nullement condescendant moins encore méprisant) sont toujours issus des mêmes catégories sociales, celle que l’on dit défavorisées pour ne pas prononcer le mot pauvre.
Mais alors qu’en est-il de la neutralité de l’école ? Ai-je le droit dans cette démocratie d’être pacifiste, non-violent et à ce titre de refuser le chant d’un hymne guerrier qui, s’il fut révolutionnaire en son temps, n’est plus que l’expression d’un nationalisme meurtrier ? Ai-je le droit de ne pas être patriote considérant que l’idée de patrie, révolutionnaire elle aussi en son temps, est devenue une pure mystification, que le « fier d’être français » est une imposture car nul ne peut être fier d’un acte pour la réalisation duquel sa volonté n’a joué aucun rôle. On est français par hasard : pas de quoi être fier.
Enfin et pour toutes ces raisons ai-je le droit, comme parent, et au nom de la neutralité de l’école, de refuser que mon enfant soit endoctriné par le patriotisme, le nationalisme et le « roman national » commençant, comme dit le monsieur qui a du mal avec la lecture, par « nos ancêtre les Gaulois… » ?
Je le disais, ces gens-là nous préparent une école de malheur… si nous les laissons faire.