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Billet de blog 26 septembre 2016

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Podemos : le début de la fin?

Le début du début ce fut le 15-M sur la Puerta del Sol. Puis vinrent les élections européennes de mai 2014 après la création du parti en mars. Heureuse surprise pour un parti qui, même s’il est enregistré comme tel pour pouvoir participer aux élections, n’est en réalité guère plus qu’un groupuscule plus ou moins gauchiste : cinq députés sont élus qui siègent désormais au parlement de Strasbourg.

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Le début du début ce fut le 15-M sur la Puerta del Sol. Puis vinrent les élections européennes de mai 2014 après la création du parti en mars. Heureuse surprise pour un parti qui, même s’il est enregistré comme tel pour pouvoir participer aux élections, n’est en réalité guère plus qu’un groupuscule plus ou moins gauchiste : cinq députés sont élus qui siègent désormais au parlement de Strasbourg.

Puis ce fut l’historique Assemblée fondatrice de Vistalegre le 18 octobre 2014. Et c’est en cette journée d’euphorie qu’apparut aux yeux de tous ce que savaient pertinemment les militants les plus engagés dans le mouvement depuis le 15-M, à savoir l’existence de deux courants que l’on désignait volontiers en termes géométriques, les verticalistes et les horizontalistes, mais que je préférais désigner pour ma part par les qualificatifs « autoritaires » et « libertaires » tant  il me semblait et il me semble toujours que ces deux tendances étaient issus de la longue histoire du mouvement ouvrier en Espagne (pas seulement en Espagne d’ailleurs).

Le temps des déceptions

La confrontation se concluait, on s’en souvient, par une large victoire des verticalistes emmenés par les fondateurs de Podemos, Iglesias, Monedero, Bescansa, Alegre au dépens des « horizontalistes », Rodriguez et Echenique essentiellement.

De fait le mouvement se réclamant du 15-M venait d’accoucher d’un parti centralisé et hiérarchisé dont l’unité était assurée par le charisme d’un chef mis en valeur par son utilisation intelligente des médias et particulièrement de la télévision.

Puis vint le temps des élections générales, des campagnes électorales où les rassemblements multitudinaires dans toutes les villes d’Espagne pouvaient faire illusion : le pouvoir semblait à portée de la main.

Et ce fut la déception. Les militants de Podemos avaient quelque mal à dissimuler leur amertume de sorte qu’ils se replièrent sur le discours obligé des soirées électorales soulignant la « performance » d’un parti à peine créé et qui, avec ses alliés, se retrouve soudain avec 69 députés.

Les municipales du 24 mai 2015 auxquelles Podemos ne participe pas en tant que parti mais soutient certaines listes sont un succès avec la « prise » des plus grandes villes du pays, Madrid, Barcelone, Saragosse, Valence, La Corogne, Saint-Jacques, Cadix, résultats qui pouvaient encore donner un  espoir pour les élections générales de décembre.

Nouvelle déception puisque l’objectif proclamé, dépasser le PSOE, ne fut pas atteint. Et c’est ainsi que de déception en déception, sous l’écume des discours convenus, le bouillonnement des aigreurs, des exaspérations allait croissant. Les désaccords sur les stratégies et les tactiques, comme dit ces jours-ci Juan Carlos  Monedero sonnaient de plus en p lus distinctement aux oreilles des militants et des observateurs.

Mais les divergences n’étaient plus ou plus seulement celles qui agitèrent la naissance du parti entre « verticalistes » et « horizontalistes », les désaccords se manifestaient publiquement entre les principaux dirigeants et plus précisément entre Pablo Iglesias et ĺñigo Errejón, les deux copains qui jusque-là n’allaient jamais l’un sans l’autre.

Transversalité, radicalité

La première manifestation publique du désaccord se manifesta lors du débat d’investiture début mars au moment où Iglesias s’en prend à Felipe Gonzalez à propos des GAL (groupes antiterroristes de libération, organisation paramilitaire bénéficiant de la bienveillance du gouvernement socialiste dirigé par Gonzalez) et de la « cal viva » (deux membres de l’ETA exécutés par les GAL et enterrés à Alicante les corps recouverts de chaux vive). On peut voir ici la moue du « modéré » Errejón à l’évocation de cet épisode par le « radical » Iglesias.

Vint ensuite l’épisode de l’alliance conclue en vue des nouvelles élections (juin 2016) entre Podemos et IU (Izquierda unida), c’est-à-dire ce qui reste du grand PCE des années 80. Cette « union de la gauche » n’est pas du tout du goût de Errejón qui y voit un repoussoir pour tous les électeurs et électrices qui n’ont nulle envie de défiler sous les plis du drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau.

Car en effet, Errejón souhaite « séduire », c’est le mot qu’il emploie (seducir) au-delà du « peuple de gauche » cette frange d’électeurs qui regarde avec sympathie le nouveau parti mais qu’une certaine radicalité effraye quelque peu. Cette nouvelle « union de la gauche » baptisée « Unidos podemos » fit donc campagne sous la direction de… Errejón, inamovible secrétaire chargé de la politique et de l’organisation des campagnes depuis les européennes. Résultat : « Unidos podemos »  perdit un million de voix par rapport au scrutin précédent.

Passons rapidement sur l’éviction « fulminante » de Sergio Pascual (remplacé par Echenique) de son poste de secrétaire national à l’organisation sous prétexte de son incapacité à régler la crise qui couvait à Podemos-Madrid et qui n’est toujours pas réglée. Il se trouve que Pascual était, pour ainsi dire, le bras droit de Errejón.

Vient ensuite, la semaine dernière, l’épisode des tweets. En meeting à A Coruña, Iglesias lance :

 Le jour où nous cesserons de faire peur aux « sinvergüenzas » (voyous, scélérats, au choix), aux corrompus, aux responsables de l’inégalité, à ceux qui s’enrichissent au détriment  des gens, ce jour-là nous serons un parti comme les autres et nous n’aurons plus aucun sens en tant  que force politique.

Tweet immédiat de Errejón :

 Nous faisons déjà peur aux puissants, là n’est pas le défi. Il faut maintenant séduire la partie de notre peuple qui souffre mais qui n’a pas encore confiance en nous.

Réponse de Iglesias : Oui compañero Errejón mais en juin dernier un million de personnes n’ont plus été séduites. Nous séduisons bien mieux en parlant clairement et en étant différents.

Le débat public s’est poursuivi en fin de semaine dernière où se tenait à la faculté de philologie de l’Université Complutense de Madrid l’Université d’été de Podemos. Ouvrant les débats Errejón pose la question en ces termes :

 Podemos doit décider s’il faut relancer un projet pour être une « force hégémonique » ou une « force de résitance ».

Savoir-pouvoir

 Où l’on retrouve bien l’opposition entre « transversalité » (hégémonie) et radicalité (résistance). Une voix alors s’élève dans la salle disant « toujours transversaux, toujours radicaux ! ». Seulement n’est-ce pas là l’expression d’une impossibilité ? Il se pourrait bien car les choses sont sans doute moins simples qu’il y paraît. Et c’est à mon sens Juan Carlos Monedero qui exprime le plus clairement cette complexité : la discussion, dit-il, concerne l’idéologie et le pouvoir autrement dit le foucaldien « nexus savoir-pouvoir » (on peut voir à ce sujet ce texte éclairant). Si en effet le pouvoir est omniprésent dans toute relation humaine et non monopolisé par l’Etat et son appareil répressif l’imbrication savoir-pouvoir détermine des comportements dans  tous les aspects de la vie sociale mais surtout le savoir induit une modification chez le sujet « par cela même qu’il connaît ou plutôt lors du travail qu’il effectue pour connaître ».

Les fondateurs de Podemos travaillant à connaître (à découvrir) les dispositifs de pouvoir se débattent comme ils le peuvent dans les rets inextricables de savoirs et de pouvoirs multiples et fluctuants vérifiant ainsi l’aphorisme (que je ne me lasse pas de citer) du foucaldien Tomás Ibáñez :

On ne prend jamais le pouvoir, c’est toujours le pouvoir qui nous prend.

Et ceci d’autant plus que l’effort du travail de connaissance est plus rude et de ce fait plus profonde la modification du sujet travaillant à connaître. De sorte que les dirigeants de Podemos travaillés par la multiplicité et l’imbrication des pouvoirs et des savoirs semblent ne plus trop « savoir » où donner de la tête comme cela se vérifie aussi bien à Madrid qu’à Séville où, au lendemain des élections régionales en Galice et Pays basque, les attitudes  des un(e)s et des autres, « transversalites », radicaux, verticalistes et horizontalistes semblent se durcir.

Dans son discours de clôture de l’Université d’été, Iglesias réaffirme ses positions, son radicalisme refusant qu’il puisse y avoirs des « courants » dans le parti, ce qui serait selon lui régresser de quarante ans, revenir à la situation qui était celle du PSOE à cette époque. Et de conclure : si le  « pablisme » existait Podemos disparaîtrait ».

 Malheureuse parole car le « pablisme » existe, et depuis le début.

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