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Billet de blog 26 septembre 2018

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Valls: le cynisme comme manière de vivre

Un grand érudit, d’une remarquable modestie cependant, Pierre Hadot, écrivit naguère un livre intitulé « La philosophie comme manière de vivre » (Albin Michel, 2001). Ne pourrait-on dire, par antiphrase et légère ironie, de ce moindre érudit et moins encore modeste, Manuel Valls : « l’arrivisme comme manière de vivre » ?

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 Ou peut-être, si l’on préfère, « le cynisme comme manière de vivre », avec cependant la restriction suivante : non pas le cynisme de Diogène de Sinope qui est pure révolte contre les conventions sociales, pure négation de toute prétention à être plus qu’un homme pour être simplement « Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui » (dernière phrase des Mots de Sartre).

Non pas, donc, le cynisme de Diogène dont l’exigence de liberté n’a d’autre but que la vertu, mais le cynisme le plus vulgaire, celui de l’individu dont la frustration ontologique s’exprime par le mépris de l’autre, celui de cet individu  que l’on caractérise en Espagne par l’expression « sinvergënza », ( « sans vergogne »), expression dont nombre d’Espagnols, Catalans ou non, ne se privent pas de l’affubler parfois accompagnée de cette autre : « cara dura » (gonflé) et même, parfois « golfo » (voyou). Il suffit pour s’en convaincre de parcourir la presse et les réseaux sociaux.

Il est vrai, il est vrai qu’il n’a aucune vergogne et qu’il est passablement « gonflé ». On le  sait bien en France et on commence à le savoir en Espagne : il ment comme il respire. Ainsi se présentant comme enfant d’immigrés antifranquiste se plait-il à maintenir l’ambiguïté sur le terme  « immigré » et les connotations de malheur, de pauvreté et d’exclusion qu’il porte.

Il ment ainsi car bien sûr Valls n’a jamais été un immigré de cette sorte mais un enfant et petit-enfant de bourgeois aisés qui n’ont pas eu à passer les Pyrénées à pied, dans la neige de ce terrible hiver de 1939, fuyant le fascisme franquiste. Mais il est vrai que comme chacun de nous il n’est pour rien dans cette histoire de sa famille. La Providence ou la Nécessité ou ce que l’on voudra l’a fait naître petit-fils de banquier et à cela il ne peut rien et nul ne songe à le lui reprocher.

En revanche, entretenir l’ambiguïté sur le terme immigré est un acte libre car, comme nous le raconte Pierre Hadot, précisément, commentant les « Pensées de Marc Aurèle », il y a deux « moi », celui sur lequel je ne peux rien, ma constitution physique, ma taille, la couleur de mes yeux, le lieu de ma naissance et celui qui constitue ma part de liberté, cette liberté qui permet « d’agir moralement » comme disent les stoïciens.

Entretenant cette ambiguïté Valls choisit de ne pas agir moralement, comme il choisit de ne pas agir moralement quand, défait par Benoit Hamon le 29 mars 2017, il refuse de soutenir le vainqueur comme il s’y était engagé. Il n’agit pas moralement quand à la même date il dit ne pas voir d’inconvénient à travailler avec F. Fillon qui à ce moment-là a encore le vent en poupe, pour se jeter finalement aux genoux de son ex-ministre de l’Economie qui le rejette comme on écarte du pied un roquet importun.  

Il ne lui reste plus alors qu’à traverser les Pyrénées, dans l’autre sens, pour se jeter dans les  bras, toute vergogne bue, de Albert Rivera et Inés Arrimadas qui eux aussi ont en ce moment le vent en poupe et qui eux aussi mentent comme ils respirent. La spécialité de Rivera étant, comme le montre ici Pablo Iglesias, de citer des auteurs qu’il n’a jamais lu (trop occupé à vendre des produits financiers), celle de Arrimadas de jeter au vent, alors que des centaines de milliers de femmes manifestent dans le pays, des propos comme celui-ci : « je ne suis pas féministe parce que le féminisme est anticapitaliste ».

Comment les Barcelonais ne se sentiraient-ils pas mépriser par ce « golfo » qui, désavoué par ses propres camarades socialistes, viendrait leur proposer, la main tenue par Rivera et  Arrimadas, d‘être leur maire ? Comment ne se sentiraient-ils tenus pour moins que rien, juste un instrument au service d’un irrépressible et vulgaire cynisme ?

Mais au fond, ce pauvre homme n’est-il pas plus « à plaindre qu’à blâmer » (Prévert, La belle vie) 

(Texte publié le 15 mai dernier que je n'hésite pas à poster de nouveau, en ne changeant que le titre, tant est scandaleuse l'attitude de cet individu)

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