Ce livre a souffert d'une sorte de relégation, de mise à l'index par la « bien-pensance » de gauche admirative des révolutions de l'autre bout du monde, car la lune est celle dont tous les révolutionnaires ont rêvé et le Caudillo (ici Fidel Castro) est cet homme qui prétend l'avoir décrochée en célébrant tous les 26 juillet « el triunfo de la revolución » par l'évocation de l'attaque de la caserne Moncada (cuartel Moncada) le 2 juillet 1953 qui, en vérité, fut un échec où périrent nombre de jeunes militants entraînés dans cette aventure par les frères Castro qui, eux s'en sortirent « miraculeusement ».
Le Caudillo en Amérique latine est cet homme qui doté par on ne sait quelle providence de qualités plus ou moins charismatiques, parvenu au pouvoir se transmute en tyran.
Tel fut le cas de Fidel Castro qui après avoir juré ses grands Dieu là-haut sur les pentes du Turquino (plus haut sommet de Cuba) qu'il n'exercerait pas le pouvoir après le « triunfo de la revolución », qu'il n'était pas et ne serait jamais communiste (ceci en toutes lettres dans les deux « manifestes de Sierra Maestra) exerça ce pouvoir pendant un demi-siècle après s'être converti au communisme à moins qu'il ne fût communiste comme son frère Raoul dès avant la révolution. Car en effet, l'une des caractéristiques des « caudillos » est leur propension à mentir.
Dans son livre Jannine Verdès-Lerroux analyse l'attitude (que pour ma part je qualifie d'infantilisme) de nombre d'intellectuels de gauche qui, dès les premiers jours du « Triunfo de la Revolución » début 1960, se précipitèrent à La Havane pour congratuler (j'allais dire faire allégeance au...) le « Comandante Jefe ». L'exemple le plus notable est, bien sûr, celui de Beauvoir et Sartre lequel dès son retour à Paris publia dans « France-Soir » (15 juillet 1960) un dithyrambique reportage intitulé « Ouragan sur le sucre » avant de convenir publiquement de son erreur, quelques années plus tard tout de même, à l'occasion du procès du poète Herberto Padilla.
Bon, mais que vient faire Mélenchon en l'occurrence ? Ceci : on le sait cet homme est un admirateur du « caudillismo » (de gauche, d'accord) d'Amérique latine. Les deux derniers personnages objets de son admiration ont été Chavez et Castro ce qui lui a fait dire des énormités telles que « Cuba n'est pas une dictature ! ».
Son admiration est telle qu'il s'est approprié les deux principales caractéristiques des « caudillos » (de gauche...) : le goût du spectacle et celui de la parole. Comme eux il jubile sur la tribune devant un micro (à cet égard son récent discours lors de la « convention pour les municipales » est particulièrement démonstratif). Comme eux il veut faire œuvre de pédagogue afin « d'élever le niveau de conscience et d’accroître la conscience civique de la population » et comme eux il feint de croire que les ovations qui ponctuent sa parole sont les manifestations du peuple alors qu'elles ne sont que les louanges collectives de quelques « supporters » plus ou moins militants, que les applaudissements de spectateurs acquis et plus ou moins fascinés par la « performance » pédagogique du « Caudillo » en herbe.
Pourtant il sait bien, cet homme, lui le protagoniste du spectacle, qu'il ne parviendra jamais au premier rôle, qu'il ne sera jamais Président de la République. Et il doit bien savoir aussi qu'il n'est dans l'histoire nul exemple d'un parti politique accédant au pouvoir par les urnes qui soit parvenu à « changer la vie », à abattre les structures économiques d'un système social inégalitaire.
Et il sait bien que les partis ayant obtenu des « améliorations immédiates » (formulation de la Charte d'Amiens) se sont satisfaits de ces progrès (appréciables certes pour celles et ceux qui en bénéficient provisoirement) et n'ont jamais pu ou même tenté d'abattre le fameux et tout puissant « mur de l'argent ». Et cela s'appelle « social-démocratie ».
De sorte que J.-L.Mélenchon ment quand s'adressant au peuple (au fait : où commence et où finit le peuple?) il proclame sa « révolution citoyenne » qu'il affuble en outre de la vêture du « communalisme » concept qu'il a été pêcher dans l'abondante littérature libertaire depuis Proudhon et son fédéralisme municipaliste et autogestionnaire jusqu'à Murray Bookchin, et le confédéralisme démocratique du Rojava.
N'est-ce pas pitié, alors, de voir tant de femmes et d'hommes lors de cette convention, sagement assis, se levant quand il le faut, applaudissant sur commande, chantant sur commande, levant le poing sur un signe du Caudillo ? Tant d'hommes et de femmes qui se disent « Insoumis », fréquentent « l'école du parti » (selon la vieille tradition stalinienne) baptisée « Institut La Boétie » et qui, étudiant « le Discours de la servitude volontaire » également intitulé « Contr'un », se demandent peut-être s'il n'y a pas quelque chose de l'ordre de la soumission à obéir au doigt et à l'oeil à ce nouveau « Un » pérorant sur la tribune devant son micro.
Ce qui pourrait constituer un beau sujet d'étude et de débats sur le thème de la désobéissance comme condition de toute liberté. Par exemple.