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Billet de blog 7 avril 2013

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Vietnam : Des eaux fécalisées pour un écrivain-blogueur

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le Vietnam veut réviser sa Constitution qui date de 1992 et a lancé une grande consultation populaire sur le sujet afin de recueillir les volontés des citoyens. Mais il ne faut pas s’y tromper, les citoyens sont fortement encouragés à donner quitus aux autorités pour leur réforme et découragés de faire des demandes « saugrenues » : Le Secrétaire général du Parti communiste vietnamien a ainsi considéré, le 25 février 2013, à la télévision nationale que les appels du peuple pour la démocratie et le multipartisme constituaient une « dégradation » de la société vietnamienne. D’ailleurs, ceux qui font de telles demandes sont harcelés, poursuivis ou condamnés à des peines d’emprisonnement…

Voici un nouveau cas de harcèlement contre une famille de blogueurs au Vietnam qui illustre le climat dans lequel doivent vivre ceux qui veulent s’exprimer librement et pacifiquement et dont nous fait part le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme. Cette affaire est dans la droite ligne de précédents billets sur la répression de la liberté d’expression au Vietnam (internement psychiatrique d’un blogueur ; rapport « Blogueurs et Cyberdissident derrière les Barreaux » ; répression contre les blogueurs). La nouveauté (par rapport aux billets précités) réside dans le fait qu’ici, les autorités font harceler les dissidents par voyous interposés…

Le blogueur bouddhiste Huynh Ngoc Tuan et sa famille victimes de harcèlements

PARIS, 6 avril 2013 (COMITÉ VIETNAM) – Le célèbre blogueur et écrivain bouddhiste Huynh Ngoc Tuan vient d’informer le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme que le 3 avril 2013, il a été victime de harcèlement par des inconnus probablement engagés par la Sécurité locale. A minuit, il a soudainement entendu une moto faire irruption dans sa maison qui se trouve à côté de la route du village. Plusieurs seaux d’une eau fétide contenant un mélange de crevettes et d’intestins de poissons pourris et d’excréments ont été jetés dans sa maison, tout près de l’endroit où il dormait. Il a réussi à apercevoir deux hommes à moto qui ont disparu dans la nuit. La puanteur de l’eau fétide était si forte que toute la famille a été prise de nausées. Elle a passé le reste de la nuit à nettoyer la maison mais n’a pu se débarrasser de l’odeur de cette mixture qui avait éclaboussé tous leurs vêtements et tous leurs biens. Les voisins se sont même plaints de la puanteur.

L’eau fétide coule dans la rue depuis la maison de Huynh Ngoc Tuan

Ce n’est pas la première fois que Huynh Ngoc Tuan et sa famille sont victimes des harcèlements de la police. Lors d’un précédent incident, des agents de la Sécurité avaient jeté des serpents venimeux dans la maison de la fille aînée Huynh Thuc Vy en signe d’avertissement contre ses activités de blogueuse. Plus récemment, à la suite de pression de la police locale, sa plus jeune fille Huynh Khanh Vy avait été expulsée de son logement juste deux semaines après son accouchement. Sa demande d’étude en Australie avait également été bloquée.

L’eau, les poisons pourris et les excréments ont envahi la maison

L’écrivain et blogeur Huynh Ngoc Tuan, âgé de 50 ans, est accusé par les autorités locales de poster sur internet des articles qui « s’opposent au Parti et à l’État ». En 1992, il avait été arrêté et condamné à 10 ans d’emprisonnement pour « propagande contre la République Socialiste du Vietnam ». Libéré en 2002, il était toutefois resté assigné à résidence pendant quatre ans. Depuis, lui et sa famille sont victimes de menaces, de harcèlements et d’attaques constants de la part de la police. Bouddhiste, il est membre de l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Église historique et indépendante) qui a été arbitrairement interdite par le gouvernement vietnamien.

Huynh Ngoc Tuan et Huynh Thuc Vy figurant parmi les cinq blogueurs vietnamiens récompensés du Prix Hellman-Hammet 2012 pour les écrivains persécutés. Son fils Huynh Trong Hieu a tenté de se rendre aux États-Unis pour recevoir le prix en son nom mais a été intercepté à l’aéroport de Tan Son Nhut, le 16 décembre 2012, et interdit d’embarquer.

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