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Billet de blog 18 juillet 2023

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Encasernement de la pensée

Dans un contexte social et politique où les élites semblent craindre la jeunesse plus que tout, et la jeunesse des quartiers populaires en particulier, le gouvernement s'acharne à creuser la fracture plutôt qu'à la résorber. Emmanuel Macron veut notamment faire de l'école le fer de lance de la reconquête de la jeunesse.

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On décrit souvent le Service National Universel comme une machine à moutonnifier et embrigader la jeunesse, mais pour l'instant son impact ne semble limiter qu'aux jeunes déjà modelé·es, si de jeunes esprits en formation choisissent de s'y soumettre, après tout, peu importe. Mais voilà, la volonté du pouvoir de l'étendre à toute une génération de petit·es français·es est inquiétante. Il faut y voir une double méprise, d'une part parce que cela ne répond pas aux attentes des jeunesses actuelles, mais d'autre part car cela ne résoudra aucune des problématiques plus ou moins fantasmées par les élites. Si le SNU semble entretenir une confusion dangereuse entre citoyenneté et militarisme, à cela il faut aussi ajouter différents indices qui permettent de révéler qu'il s'agit bien de mettre au pas tous·tes la jeunes, et surtout celle des quartiers populaires.

Lors de son déplacement à Marseille, le président de la république s'est cru investie de la mission de sauver les jeunes par l'intermédiaire de l'école. L'une des mesures annoncées devrait contraindre à l'accueil des enfants dans les écoles d'éducation prioritaire de 8h à 18h. Cette déclaration révèle d'abord une méconnaissance crasse du terrain, car à la bêtise de croire que les vacances d'été durent 3 mois, le président pense également que les journées s'étalent sans doute de 10h à 16h ? Cela pourrait paraître anecdotique si cela ne révélait pas que le gouvernement confond école et caserne. Toujours moins de vacances d'été, l'école ouverte pendant les petites vacances et ouverture prolongée au quotidien permettraient une meilleure exposition des classes populaires au soleil républicain sans doute. Si l'école a souvent été un instrument de contrôle social et de conviction au service d'une vision jacobine et pseudo-universaliste, notamment au 19e siècle, il y avait longtemps qu'une telle vision semblait avoir été délaissée. L'autre pendant de cette action sera la reprise en main de l'EMC, qui avait pourtant été déjà décriée en son temps, il faudrait renforcer toujours plus l'enseignement autour des valeurs de la république, mais pour quelle utilité ?

La droite, et malheureusement une certaine forme de gauche, a une tendance lourde à confondre enseignement et contrainte. Si nous devons évidemment faire en sorte que tous·tes nos élèves respectent les règles communes et entendent l'histoire de leur construction ou de la conquête de nos droits, jamais sa simple inculcation ne saurait faire reconnaître la Ve république comme un horizon indépassable. Il serait plus utile de permettre aux jeunes de vivre là où ils sont la liberté, la fraternité et surtout l'égalité. Si jamais la république ne semble être en mesure d'assurer l'égalité de toutes et tous face à la misère, à la justice ou la police, comment pourrait-on croire que l'école seule le pourrait ?

L'absence de perspective complexe rassure un électorat macroniste et droitier qui se fiche pas mal de l'avenir de la jeunesse et des quartiers populaires, tant que leur mode de vie est préservé et que les fauteur·euses de troubles sont sanctionné·es le plus lourdement possible. Mais cela ne permet pas de réparer la relation durablement rompue entre l'état et sa population.

Ainsi, ce serait encore une fois aux agent·es de l'éducation nationale, qui ont encore une bonne image auprès des jeunes et de leurs parents, de faire le service après-vente d'un gouvernement aux abois. Ce n'est pas parce que les enseignant·es les garderont plus longtemps auprès d'elleux que cela suffira à convaincre les élèves que l'état sert leurs intérêts. Tant que les services publics ne regagneront pas du terrain, tant que les associations d'éducation populaire verront leurs budgets amputer, tant que des policiers tireront impunément sur les jeunes, rien ne sera possible.

Enfin, si nous étions conspirationniste, nous pourrions penser que le gouvernement cherche, même de manière inconsciente, à détruire le dernier bastion de service publique avec lequel les citoyen·nes entretiennent un lien concret et quotidien. N'oublions pas les déclarations récentes d'Emmanuel Macron qui souhaite désétatiser l'éducation nationale.

Comme nous en avons l'habitude nos élites ne font pas confiance aux enseignant·es, ni pour décrire et comprendre leur réalité quotidienne, ni pour transmettre avec le plus d'acuité et de pertinence possible les valeurs qui devraient cimenter notre société, et cela en dépit du fait que le gouvernement sabotent en permanence notre travail.

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