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Billet de blog 20 février 2012

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« Le peuple de Paris au 19e siècle » Des guinguettes aux barricades

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un riche panorama stimule notre imaginaire et nous invite en effet, à travers plusieurs espaces thématiques, à revisiter le passé ouvrier, artisan et industriel d’une capitale qui permettait alors, dans une certaine mesure au moins, de forcer les possibles et d’atteindre la promesse d’une ville Monde.

La province qui répond à l’appel des faubourgs, la peine des ouvriers qui courent derrière leur dû, des fermes qui résistent au fond de leurs cours contre les sirènes du « progrès », des jeunes femmes qui exécutent leur triste besogne dans de vastes et silencieux appartements bourgeois, la respiration heureuse offerte par les promenades du dimanche, la violence qui avance quand la nuit tombe, des familles qui s’entassent par génération et mutualisent leurs besoins, l’horizon permanent des artistes et la terre désenchantée des vagabonds, l’humeur légère des rues qui chantent et Paris affamé qui prend les armes.

Paris est à la fois une fête et un sombre décor, une promesse de chaque instant et le théâtre implacable de l’exploitation humaine et de l’asservissement au travail, c’est cette complexité que traduisent des archives soigneusement choisies qui sont autant de témoignages des visages instables et mouvants qu’a empruntés Paris, ainsi qu’une « histoire des conditions de vie matérielles » qui a accompagné ses transformations successives.

C’est ce peuple à la fois fier et miséreux qu’on nous donne à voir, le Paris des savoir-faire et des classes sociales enrôlées dans leurs mœurs et leurs représentations. Le Paris bruyant ou mythique des petits métiers, le Paris spontané, désinvolte et canaille côtoie le Paris qui traque, exclut et se représente comme un danger tout ce qui échappe à son contrôle immédiat.

Mais ce peuple n’est pas un bloc uniforme. L’équivocité de ce concept un peu «fourre-tout» trouve ici, à travers une illustration de ses différentes figures, une manière intelligente et peu banale de l’interroger : dans ses pratiques multiples, ses manifestations quotidiennes, ses espérances et ses insurrections... Nous retenons au final une image moins approximative de ce peuple saisi dans tous ses « temps de vie » : en famille, au milieu de ses collègues, dans ses trop rares occasions de détente auxquelles il confère un caractère sacré, dans la rue ou il retrouve l’anonymat ou encore dans  l’intimité rassurante de son foyer.

On vient ici à la rencontre d’un Paris riche de la diversité des hommes et des femmes qui le constituent et le produisent. Car Paris ne s’est pas engendré de lui-même. Ce sont bien ces individus aux mille visages rassemblés sous l’idée de peuple qui ont fait Paris.

Le défi du XXIe siècle consistera peut-être pour Paris à créer les conditions pour ne pas voir complètement disparaître ce Paris « populaire » qui nous manque et qui menace, malgré bien des efforts collectifs et isolés, d'être renvoyé à un insistant et regretté passé.

Nicolas Dutent

La Revue du Projet, n° 14, février 2012

Date de l'exposition :

Du mercredi 5 octobre 2011 au dimanche 26 février 2012
Musée Carnavalet 23, rue de Sévigné
75003 Paris

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