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Billet de blog 28 avril 2017

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Le marteau, l'enclume, le goudron et les plumes

Que faire le 7 mai prochain entre le marteau (Donald Le Pen/Marine Trump) et l'enclume (Emmanuel Macron) ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Peu de temps après l'élection de Donald Trump, Kali Akuno, l'un des animateurs de la coalition Grassroots Justice Alliance (fédération de mouvements "de base" aux États-Unis - qui regroupe des organisations de travailleurs.euses domestique, de migrant.e.s, de travailleurs.euses du sexe, de minorités, etc.) appelait à se rendre "ingouvernables". Il le faisait d'une manière plus pragmatique, moins frontale sans doute, mais tout aussi radicale, que la "génération ingouvernable" qui s'organise depuis quelques semaines en France.

Il appelait les fonctionnaires à refuser de coopérer à l'administration Trump et à organiser, par le bas, un vaste mouvement de résistance. Qui permette de faire front, à Trump comme à son monde. Ce n'est en effet nullement une coïncide que Trump soit tout à la fois raciste, sexiste, mysogine, climato-sceptique, violent, impérialiste, homophobe, etc. L'ensemble est aussi effrayant que cohérent, et forme ce que l'on peut qualifier d'intersectionnalité inversée, dont Marine Le Pen représente la déclinaison française.

Se rendre ingouvernable, face à Donald Le Pen/ Marine Trump comme à leur monde, implique de construire un ensemble tout aussi cohérent, qui articule des exigences de justice, d'égalité, de bienveillance - un "devenir minoritaire" aussi divers qu'articulé.

J'interrogeais hier Kali sur ce qu'il ferait au second tour de la présidentielle - qui ressemble en tous points à un mauvais remake du Trump contre Clinton de novembre dernier. Se réponse fût très claire : "quand on est pris entre le marteau et l'enclume, l'urgence, c'est d'empêcher le marteau de frapper. Puis aussitôt après, de se dégager de l'enclume".

La séquence ouverte dimanche soir à la Rotonde, qui s'est ensuite prolongée à Amiens, ont achevé de me convaincre qu’il a raison et qu’il faut mettre un bulletin Macron dans l’urne le 7 mai prochain. Pour plusieurs raisons :

  • Le populisme d'extrême droite ne vient pas de nulle part. Il est notamment un produit du néolibéralisme et des politiques de casse sociale menées depuis au moins 35 ans.

  • La droite ne forme pas un bloc monolithique : Macron n'est pas Fillon, qui n'est pas Le Pen.

  • Cela ne signifie pas nécessairement que le premier serait préférable au second, qui serait lui-même préférable à la dernière, mais plutôt qu'on ne combat le premier de la même manière que le second ou que la troisième.

  • Plus encore : la résistance n'a ni la même signification ni la même urgence selon que l'un ou l'autre de ces projets de droite soit au pouvoir.

  • Le fait que le droite ne soit pas monolithique signifie en outre qu'elle ne peut être hégémonique que par des alliances ou des coalitions entre certaines de ses composantes.

  • La résistance au projet que porte Macron ne prendra pas la même forme selon qu’il gagne avec 51 % des voix ou avec une marge plus confortable : plus son score sera faible, plus il sera contraint de construire des alliances avec d’autres composante de la droite.

Je sais bien que pour beaucoup de mes ami.e.s politiques, ce que je défends est intenable, et revient à trahir l'idéal que nous portons.

Mais je préfère de loin le goudron et les plumes au marteau et à l'enclume.

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