
C'est une course contre la montre et les ultralibéraux et leurs alliés ont suffisamment de pouvoir pour être vainqueurs dans cette course. Il s'agit toujours de freiner la réflexion, de tirer la colère du côté de l'intérêt personnel, de l'individualisme, pour empêcher une prise de conscience collective de ce que les ultralibéraux sont en train de faire dans le monde entier. Ils s'efforcent d'utiliser le plus vite possible l'énergie des convois canadiens pour augmenter leur pouvoir.
Quand il n'y a pas de relais fort à gauche, les colères sont toujours récupérées par l'extrême-droite au profit des ultralibéraux. S'il n'y a pas de relais fort à gauche aux USA, c'est surtout parce que les "démocrates" ont liquidé Bernie Sanders, il ne restait alors que Trump pour représenter la colère, et cette colère ne pouvait donc pas se transformer en prise de conscience collective, elle est restée une colère primaire, sans pouvoir construire de pensée. Il reste donc au mieux une grande confusion mentale et au pire une colère mal dirigée. La même chose se passe chez nous avec des thèmes de campagne qui éloignent les gens des vrais problèmes, les poussent dans les griffes de clowns sinistres ou les dégoûtent de la politique en produisant une abstention massive.
Sans dialogue approfondi, sans réflexion, sans avoir du temps devant soi pour le faire, les colères stagnent du côté de l'égoïsme, personnel, de classe, national, etc., toutes les formes possibles de l'égoïsme qui mènent à des choix autodestructeurs à la Z. Ces colères ne dépassent pas le stade de l'extrême-droite, elles cherchent des boucs-émissaires.
Mais quand les gens ont le temps de se parler et de réfléchir comme les GJ ont cherché à le faire chez nous, ils peuvent commencer à se reconnaître, ils ont le temps de comprendre leurs points communs et l'intérêt de leurs différences, ils peuvent apprendre à s'apprécier au-delà des étiquettes politiques et peu à peu développer une pensée plus intéressante et généreuse qui va inévitablement du côté de la gauche. Car être "à gauche", c'est simplement réfléchir un peu plus. C'est ce que les ultralibéraux veulent absolument empêcher partout dans le monde, pour poursuivre, en utilisant toutes les crises, leur travail de déshumanisation et de contrôle total des citoyens. C’est cela la guerre, la vraie guerre dans laquelle le monde est plongé.
Un des champs de bataille importants de cette guerre, ici, ce sont les mots que nous utilisons, c'est le champ sémantique. Les concepts grossiers importés des USA (woke, plot theory, antivax, etc.) réduisent la pensée et empêchent de formuler un certain nombre de nuances très importantes. C'est le but.
Ce vocabulaire qui ne permet d'exprimer qu'une vision partielle et réduite de la réalité et bloque tout autre développement, est spécialement toxique dans la bouche de ceux qui emploient ces mots et les diffusent sans se rendre compte de ce qu'ils véhiculent. Il faut avoir conscience que ces mots sont piégés.
C'est une stratégie lexicale façonnée par les ultralibéraux de longue date, importée des USA où elle a été rodée, et qui va de pair avec la confusion des esprits provoquée par des médias mainstream aux informations très peu fiables. L'objectif est de diviser en fabriquant une pensée binaire : "les bons" contre "les mauvais". Par exemple, si des manifestations ont lieu contre le pass, parce que celui-ci est un premier pas vers un contrôle total des citoyens, les gens qui manifestent - pour certains vaccinés et qui n'ont peut-être rien contre le principe de la vaccination -, sont appelés "antivax" par ces médias. Ce qui n'a aucun autre sens que de diviser et sera très utile à la fabrication de boucs-émissaires. Et bien sûr, beaucoup de gens répètent ces mots sans réfléchir.
Par ailleurs, tous ceux qui cherchent à comprendre la réalité dans laquelle nous sommes face à des affirmations contradictoires et confuses, ne méritent pas d'être affublés du qualificatif sommaire de "complotistes". Certains (surtout par manque d'informations fiables) affabulent, mais pas tous. Et pas tout le temps. Mais à force de répéter ce mot, tout le monde l'emploie systématiquement, etc. Pas besoin de répondre à des complotistes, on s'en débarrasse facilement.
C'est ainsi qu'il y a des nuances importantes qu'on ne peut plus exprimer et que la pensée commune devient étroite, binaire, au service du pouvoir ultralibéral, exactement comme ça a été le cas avec la langue allemande sous le 3ème Reich, ainsi que l'a parfaitement expliqué en son temps Viktor Klemperer.
Nicolas Roméas