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Nicolas Roméas

Acteur culturel, auteur, après avoir fondé et animé Cassandre/Horschamp, Nicolas Roméas fait aujourd'hui partie de l'équipe de bénévoles du site L'Insatiable (www.linsatiable.org) en tant que rédacteur en chef. Il participe également à la nouvelle revue L'Insatiable papier.

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Billet de blog 10 novembre 2017

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Crache ton charbon, Roméas

Il vaut mieux cracher son charbon que mourir étouffé. Je suis de très mauvaise humeur. Bon d'accord c'est peut-être un peu ma nature, mais j'ai beau chercher, je ne parviens à lire aucun signe positif dans cette époque chargée en cris, qui les intègre tous, les uns après les autres, dans son fameux système spectaculaire ultra-performant qui falsifie tout avec une prodigieuse efficacité.

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[Chantier en cours]

Illustration 1

Précipitées, massées, propulsées, canalisées, malaxées, broyées puis engouffrées et insérées dans l'immense entonnoir industriel de la société marchande-communicationnelle, toutes ces énergies, chacune initialement mue par une révolte légitime, ce déferlement de prises de conscience de ce qui est dû à chaque individu, toutes ces volontés de refuser la privation et l'injustice, ce rêve de vivre tous ses possibles qui flotte dans les esprits au moins depuis les années soixante, ces réactions déclenchées par un sentiment général de frustration et la meilleure volonté du monde, serviront de carburant à ce que le capitalisme a de pire.

Car tout cela advient sous son règne, avec ses moyens et ses méthodes, sous son regard «bienveillant» et pervers. Non dans le cadre d'un projet de transformation de notre société.

Toutes ces justes révoltes, traduites en langue capitaliste, réduites à des revendications individualistes et à des guerres picrocholines -, finiront par produire une absence totale de relation entre les humains, une indifférence à l'autre de plus en plus parfaite. Chaque individu, fort de la défense de ses intérêts et de ceux de son sous-groupe, se sentira de plus en plus en droit de ne rendre de compte à aucun de ses contemporains - en dehors de son clan - de n'avoir avec eux aucune autre forme de relation que d'utilisation, de consommation, d'exploitation, ou s'il le faut de procédure. Usage courant aux USA et que les sphères nanties imposent, forçant les autres classes à les imiter chaque jour un peu plus, en niant ce qui fonde l'humain : la relation et ses périls. Quand il y a relation, il y a dette, on a conscience de devoir à l'autre quelque chose. Quand, dans l'échange, le manque prend valeur de désir, l'inachèvement devient précieux. Un don contre-don sans pouvoir. C'est sans doute ce qui explique la source commune entre hostilité et hospitalité et la transmutation qui permet le passage de l'une à l'autre. Et c'est ce que le capitalisme veut détruire. De sous-groupe en sous-groupe, l'absence de relation ramène tout à l'individu, celui qui s'imagine ne dépendre de personne. Et qui oublie tous les liens qui le fondent.

L'oppression d'une classe, d'un peuple, d'une «race» ou d'un genre, c'est au fond la même chose, le même fonctionnement. Même si ces oppressions ont des origines antérieures à l'avènement du capitalisme proprement dit, il ne fait que continuer le travail jusqu'à l'absurde. L'illusion de l'autonomie mène à l'atomisation des êtres. La guerre de tous contre tous produit un égoïsme général, un égotisme narcissique, pervers, dont seule une minorité profite (croit profiter, car de quoi profite-t-on vraiment quand on abandonne l'essentiel ?).

Une société oppressive et qui sait bien qu'elle se nourrit de ça, opprime et divise partout où elle peut le faire. Nous sommes entrés dans une période de grande confusion, fruit d'un capitalisme victorieux, ivre de lui-même, qui hurle «viva la muerte» dans la nuit. Une période de terrible confusion entretenue où l'égalité équivaut à l'identité. Il s'agit d'aboutir à des êtres «identiques», standards, tous au service du même projet, produire pour le marché et consommer. Fondamentalement, le capitalisme se contrefout des différences de couleurs, de sexes, de religions ou  d'origines culturelles. Ce qui compte c'est de vendre de consommer et d'exploiter, hommes, femmes et enfants, noirs jaunes ou blancs, homos ou hétéros, peu lui importe. C'est sa conception d'une «liberté» réduite à l'individu. La liberté d'être n'importe quoi, à condition d'être avant tout client et objet de consommation.
Nicolas Roméas

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