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Acteur culturel, auteur, après avoir fondé et animé Cassandre/Horschamp, Nicolas Roméas fait aujourd'hui partie de l'équipe de bénévoles du site L'Insatiable (www.linsatiable.org) en tant que rédacteur en chef. Il participe également à la nouvelle revue L'Insatiable papier.

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Billet de blog 15 mars 2016

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Loin du champ de bataille ou en son cœur

Il ne suffira pas d'avoir raison, il ne suffit jamais d'avoir raison. Serait-ce indiscutablement. Encore moins en un temps où la machine à détraquer le sens s'est emballée.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© Olivier Perrot

Il ne suffira pas de construire de puissantes théories, solides, belles comme l'antique, rutilantes machines de guerre, bombes intellectuelles propres à impressionner les cerveaux et à nous convaincre nous-mêmes de la validité de nos démarches. Il ne suffira pas d'être justes, de se tenir fièrement du bon côté, de travailler comme des bénédictins à remettre chaque chose à sa place, de trouer l'épais mur de mensonges et de galimatias qui nous fait face pour que nos mots le traversent et résonnent.

Il faudra adapter le véhicule au terrain. Ne pas se contenter d'une lutte frontale contre ce qui est clairement adverse, mais inventer. Réinvestir l'espace volé en nous et entre nous. Avec nos armes, nos outils, nos instruments, dans l'entre-deux, la relation.

Il faudra vivre des instants étonnants.

ll faudra avancer, presque danser. Marcher d'un pas léger dans ce terrain accidenté, aux chemins abîmés, quasi impraticables, qui sans cesse dévient, font fausse route, s'éloignent du cours de nos désirs et paralysent élans et relations. Ces chemins obstrués d'impasses où le don, la beauté du geste, sa gratuité, sont interdits ou rendus impossibles. Il faudra de nouveaux véhicules, des constructions subtiles, improvisées, sensibles.

Il faudra inventer. Inventer pour toucher. Viser l'être et l'atteindre en son centre, là où pensée et sensibilité ne peuvent être disjointes, ne font qu'un. L'esprit, ce qui est partagé. Ce qui nous rend, chacun et tous, sensibles à certaines formes, à certains mots, à certains agencements de mots, à certains sons, à certains agencements de sons. Ce qui n'existe qu'entre.

Ce qui existe entre les êtres lorsqu'ils sont connectés, visiblement ou non. Cette connexion, il faudra dire que c'est le moteur de nos existences. Il faudra le dire, et que l'empêcher d'advenir est un crime.

Toutes les générations sont concernées, toutes, touchées et impliquées. Chacun ressent ce qui advient, il n'est pas question de se satisfaire de comprendre. Nos véhicules sont de mots et de gestes, d'images, de sons, de présences, de tout cela.

Illustration 2
© Olivier Perrot

Nous parlons d'art. La chose nous traverse. On ne peut se contenter de comprendre, de faire comprendre. Ressentir ce vers quoi nous devons aller, comme les peintres qu'on aime le font sentir, musiciens, écrivains, poètes, danseurs, comédiens, conteurs, marionnettistes. Le vivre et le faire vivre ensemble. La vraie révolution, profonde, ne s'imposera pas avec des armes symétriques à celles de l'adversaire, elle sera d'émotion et de beauté. Oui, le mot est usé. Mais il sonne autrement si Breton la veut convulsive. Cette beauté impalpable qui aime s'attarder à un détail. Si l'on veut parler d'art il faut en faire. Montrer, faire apparaître, faire resurgir les liens occultés entre les chapitres de nos vies.

Loin du champ de bataille ou en son cœur. À l'abri des bombardements massifs de mensonges, d'images mercantiles, de pensées froides qui perdent l'essentiel en route.

Nous sommes à la croisée des chemins, certains sont invisibles. À la croisée des liens, certains sont invisibles. Des flots d'images, de paroles et d'écrits nous assaillent, certains cependant nous nourrissent. Il y a la noirceur insondable de l'époque, il y a la clarté des rencontres, la sincérité lumineuse de certains êtres qui rassure, mais qu'en faire ? Il y a des paroles qui ne se rencontrent pas, des univers qui se croisent sans s'atteindre. Nous parlons d'art car c'est là qu'êtres et mondes se touchent, car c'est là qu'on invente ensemble, pas seulement avec la pensée, avec l'émotion au sens fort de ce mot. Accepterons-nous longtemps que notre société soit composée d'êtres qui n'ont rien à se dire, qui estiment qu'il est superflu de faire connaissance, à qui on ne laisse plus à échanger que de la marchandise, sous ses formes les plus absurdes? Dont on réduit la pensée à un processus algorithmique dédié à un unique résultat, sans imaginaire inutile ?

Illustration 3
© Olivier Perrot

On nous promet une vie misérable, sans valeur ni valeurs.

L'audace serait alors de franchir un certain nombre de barrières. Ces barrières ne sont pas toujours placées ici par ceux qu'on croit, elles le sont parfois par nous-mêmes. Faire jaillir la lumière de ce sombre tunnel demande du temps, quelques gestes, des mots. Ne pas croire que nous ne sommes que des fonctions, des métiers, des étiquettes. Ça n'est pas simple, faisons-le. De l'art, de la politique, de la parole, pour aujourd'hui.

Nicolas Roméas

Il sera question de ça le 23 avril au Théâtre de l'Épée de bois !

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Le 23 avril au Théâtre de l'Épée de bois

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