«Il faudrait supprimer Avignon», déclara il y a quelque temps déjà Claude Régy, dans les colonnes d'un quotidien qui, (comme il le disait des politiques au pouvoir) se situe «dans ce subtil équilibre entre la droite et la gauche.»
Mais il avait mille fois raison.
Cela fait des années que le théâtre n'y remplit plus du tout son rôle politique. Et l'on ne peut pas dire que la situation s'améliore.
Des années que les idéaux qui ont fait naître la semaine d'art, sont ensevelis sous l'esprit de gestion, des lustres que ce festival est en état de mort clinique et qu'il ne survit à son passé que pour des raisons économiques. Ce n'est donc plus d'art qu'il s'agit, mais de commerce.
Il suffit de constater à quels sponsors (marchands de pétrole et de mort qui sévissent en Afrique, par exemple) on fait appel pour le renflouer. Sans aucune honte. Vilar n'aimerait pas, Char non plus.
Quelle que soit la qualité de certaines pièces, (il y a toujours des exceptions et elles ne peuvent à elles seules changer l'esprit et la fonction du festival), le In est depuis longtemps une machine de prestige gérée comme une habile entreprise de spectacle, avec ses vedettes et ses fausses provocations de surface. Une machine bien huilée qui n'a plus rien à voir avec le grand rêve de démocratie en actes pensé et initié (entre autres) par René Char et Jean Vilar puis magnifiquement mis en œuvre par ce dernier, dans le souci constant d'être relié aux aspirations de la société, de ce qu'on appelait alors le peuple.
Le Off est tout simplement une plaie de plus en plus insupportable (même remarque sur les exceptions qui ne changent pas la règle).
Mais le tout est utilisé par la mairie pour remplir les hôtels et les restaurants. Et l'État n'aurait jamais l'audace de démolir le vénérable monument historique devenu inutile. Mais rentable. Car il faudrait une pensée, savoir par quoi le remplacer, comprendre ce qu'est vraiment le rôle de l'art. Le sens a disparu, mais ça ne fait rien, on continue, pour de mauvaises raison.
C'est un lieu de pouvoir de plus.
Voilà ce qu'il reste du rêve magnifique.
Il faut évidemment aller voir ailleurs ce qui est en train de naître dans une relation forte avec les enjeux de la société d'aujourd'hui. Comme par exemple au Manifeste, à Dunkerque, grande aventure de relations humaines et politiques qui ressemble aux débuts d'Avignon. Et qui est, elle, aujourd'hui en danger.
Dans la logique de cette époque.
Nicolas Roméas