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Chercher à réfléchir sur ce qu'on est, sur l'état de la société dont on est le produit, oser s'aventurer dans une pensée qui met au jour et interroge ses propres failles et ses incertitudes, exige de se sentir suffisamment solide intérieurement pour se permettre le risque de la remise en question.
Celui qui se méprise irrémédiablement lui-même, qui souffre d'un dégoût de soi latent plus ou moins inconscient, ne peut jamais prendre ce risque. Il risquerait de s'effondrer sous la révélation.
Le monstrueux personnage public construit à partir de cette façade de cohérence factice, encouragée par des pouvoirs hautement pathogènes - qui ont tout intérêt à l'être -, qui en font une star, lui fournit l'illusion d'exister dans le groupe tout en se protégeant de sa violence. C'est un rempart contre la haine de soi et sans doute contre la folie.
Contre ce que je ne tolère pas chez moi, contre ce que je vis comme des faiblesses insupportables, je construis, à partir de clichés grossiers et éculés, une image sommaire qui sera validée par d'autres. Cette armure, qui de victime me transforme en bourreau, me protégera des effets de la haine et du mépris de moi-même. Je passe du côté des puissants, je légitime ainsi, en mimant ma propre destruction, ceux qui partagent cette haine de soi - et donc des autres.
Cette fausse cohérence extérieure à soi et purement rhétorique, qui donne l'illusion de la force, est fortement encouragée par les pouvoirs qui dominent cette société. Car cet être factice, ce pauvre Frankenstein de bazar, distrait de l'essentiel et ne s'attaque jamais aux vraies causes des problèmes. Il protège ces pouvoirs de la colère du peuple en brandissant des cibles fictives, comme autant de paratonnerres qui détournent la foudre. Ainsi divisé et tourné contre lui-même, le peuple des votants sera facilement orienté vers ce qui semble le moins pire.
C'est le ressort de cette arme précieuse des ultralibéraux où s'engrènent psychopathie et politique, appelée "extrême-droite", qui atteint aujourd'hui chez nous un point d'absurdité ultime.
C'est grâce à ces figures monstrueuses qui concentrent en elles l'incohérence et la détestation de soi, qu'ils conquièrent le pouvoir et développent leur hégémonie.