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Professeure agrégée honoraire, Docteure de l'Université de Rouen, Qualifiée aux fonctions de maître de conférences, Chercheure en sciences humaines indépendante, poète à ses heures

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Billet de blog 15 juin 2023

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Escale à Djibouti (à la mémoire de mon frère François) Episode 2

Après quatre mois et demi de « service militaire », devenu « national », en ces temps de relative paix d’après-guerre - nous étions en 1972 – le jeune homme qui venait d’avoir vingt et un ans, et s’était déclaré volontaire pour partir outremer, avait découvert sur une note de service qu’il allait être envoyé à Djibouti.

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Escale à Djibouti (à la mémoire de mon frère François) Episode 2

Après quatre mois et demi de « service militaire », devenu « national », en ces temps de relative paix d’après-guerre - nous étions en 1972 – le jeune homme qui venait d’avoir vingt et un ans, et s’était déclaré volontaire pour partir outremer, avait découvert sur une note de service qu’il allait être envoyé à Djibouti.

Le départ était prévu le 22 juin sur D.C. 6. Enfin, il allait voir du pays, car, jusque-là, il avait bien été trimballé pour le compte de l’armée de son village à Toulon, puis Laval, et de nouveau Toulon, mais c’était toujours la France, ou du moins la Métropole, et il avait soif d’autres horizons, d’autres activités plus intéressantes que les marches, le maniement du fusil, et les tours de garde. La discipline militaire, le casernement, après tout, il en avait eu un avant-goût en huit ans de lycée comme pensionnaire. Il n’en ressentait pas vraiment de gêne mais il lui tardait que ce soit sous une autre latitude. Donc, ce n’était plus qu’une question de jours. Alors il s’empressa d’écrire à ses parents pour leur annoncer la nouvelle et leur demander de se renseigner sur l’adresse exacte de Monsieur et Madame D. qui se rendaient souvent sur le Territoire et y possédaient une villa.

En effet, la vie réserve à chacun des coïncidences extraordinaires que nul ne croirait si elles étaient consignées dans un roman tellement elles paraîtraient extravagantes. Or ces pages ne sont pas un roman, ni une œuvre de fiction, elles sont modestement, honnêtement, et seulement un récit. Dans la vie quotidienne, de telles coïncidences paraissent si étranges qu’on ne peut s’empêcher de les interpréter comme autant de signes du destin.

Quelques années plus tôt, alors que le jeune conscrit était encore adolescent et lycéen, des Parisiens s’étaient installés dans une petite maison de son village, qui leur servait de résidence secondaire. Dans un village, tout se sait, surtout à ce carrefour que constitue la salle d’attente du seul médecin du secteur. C’est ainsi que l’on avait appris que ces nouveaux habitants de passage se rendaient fréquemment à Djibouti, Monsieur D., pilote de ligne, y travaillait à l’agence Air-France et il était responsable de l’aéroport.

Le jeune soldat ne connaissait pas encore tous les détails de son voyage. Il les apprendrait au fur et à mesure. Il savait seulement que le trajet de Toulon à Paris se ferait de nuit, qu’il attendrait quelque temps à la caserne de transit de Rueil, et qu’il quitterait ensuite Paris pour le Territoire des Afars et des Issas.

Enfin, un peu d’intérêt allait venir pimenter la routine de la vie militaire. Il y aurait des particularités géographiques, naturelles ou humaines à découvrir. Et il lui restait encore deux tiers du temps de la conscription à accomplir. Il aurait tout le temps, pensait-il, de s’instruire.

Quelques aléas de dernière minute ayant été résolus (il fut un moment question que le transfert n’ait pas lieu le 22 mais soit reporté au 28), les conscrits retenus pour Djibouti furent conduits de Rueil à Orly en camion. A l’aéroport, pas de D.C. 6 mais un bon gros Boeing 707 d’Air-France pour le trajet. Sept heures de vol, de nuit, sans escale, départ à 21h30 de Paris, arrivée 5850 km plus loin à 4h30, 6h30 heure locale. Peu avant l’atterrissage, vue sur l’Afrique pendant une dizaine de minutes, puis survol de Djibouti, le désert au bord de la mer. La température extérieure atteignait déjà 35°C, information de l’hôtesse de l’air. 35°C à l’ombre, avant le lever du soleil, qu’est-ce que cela serait en plein midi ! Non, ce n’était pas la chaleur des réacteurs qu’il avait perçue à sa descente de l’avion, comme il l’avait cru un instant, c’était celle, étouffante, de l’air ambiant. Il devait apprendre, par la suite, qu’en 1970, le record de température avait été relevé sur l’aéroport : 110°C au soleil ! Sur les pistes, trois ou quatre vieux Dakota d’Air-Djibouti.

(à suivre) Aimée Saint-Laurent © Nouvelles d'ici et d'ailleurs, de maintenant et de toujours 

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