Cette histoire d’attentat à Marrakech m’obsède. Je n’arrive pas à épuiser son côté spectaculaire. Bien sûr, ce peut être une manière d’AQMI de se rappeler au bon souvenir du pouvoir marocain et à celui de l’Occident, quand le «printemps» des peuples arabes l’a largement chassé de nos esprits… Mais il y a le soupçon du complot, exprimé par des Marocains mêmes. Un complot du makhzen (la nébuleuse qui est liée au pouvoir du roi, composée de technocrates, d’hommes des services secrets, d’officiers, de hauts fonctionnaires, d’hommes d’affaires…), qui chercherait ainsi à remettre le peuple dans le droit chemin de l’obéissance : pour échapper à la peste noire du terrorisme islamiste, il faudrait renoncer à la contestation, accepter les conditions d’une répression hautement sécuritaire…
C’est tellement tordu qu’on n’y croit pas.
Et en même temps, c’est bien vrai que le terrorisme sert objectivement l’ordre établi, comme un repoussoir très efficace. Donc, si ce n’est pas le résultat d’un complot du makhzen, ce pourrait être « une divine surprise » pour lui ?
Ce raisonnement est indécent bien sûr, le gouvernement marocain a protesté de sa bonne foi, et de sa volonté de poursuivre les réformes. Il est vrai qu’il a de très bons conseils en communication, parmi lesquels le gouvernement français, qui ont pu lui éviter de tomber tout de suite dans la fermeture sécuritaire (mauvaise image par les temps qui courent). Il faut voir. Il s’agit d’annonces. Que sera la réalité ?
Que sera la réaction du Mouvement du 20 février, qui risque la fracture après un tel massacre ?
La seule chose certaine, c’est que cet attentat* crée un climat éminemment malsain, qu’il vient brouiller les pistes au moment où elles commençaient à s’éclaircir pour le peuple marocain, à savoir que le choix de la démocratie était possible !
* Un attentat ? Une autre piste est évoquée par Nadia Yassine, dirigeante du mouvement islamiste non légal mais toléré Al Adl wal Ihssane : celle du déguisement d’un accident, l’explosion de bouteilles de gaz, en attentat, pour le plus grand bénéfice du pouvoir…
Ci-dessous le lien vers la tribune de N. Yassine parue aujourd’hui 1er mai sur le site d’information marocain indépendant lakome.com :
Une remarque au passage : si des analystes de tous poils, marocains ou pro-marocains, ont évoqué parmi les hypothèses de « A qui profite le crime ? » celle d’une responsabilité du Front Polisario – sans jamais étayer cette hypothèse –, le gouvernement marocain s’est bien gardé de le faire. Deux explications selon moi, non exclusives l’une de l’autre :
a) Le pouvoir sait que ce n’est pas vraisemblable, et qu’une telle allégation serait contre-productive au plan international.
b) Cette allégation ne servirait de rien sur le front intérieur, où le mouvement de contestation est mobilisé pour l’obtention de libertés publiques…