Par exemple, il y a Claude Mangin-Asfari, l’épouse française de Naâma Asfari l’un des prisonniers politiques sahraouis incarcéré près de Rabat, condamné à 30 ans de prison en raison de sa militance pour l’autodétermination du peuple du Sahara occidental - : depuis que le Comité des Nations Unies contre la torture (le CAT) a dénoncé, en décembre 2016, suite à une action qu’elle a intentée, les mauvais traitements subis par son époux de la part des autorités marocaines... elle est interdite de lui rendre visite (alors qu’elle a pu le voir en prison pendant des années) !
Vraiment dans un tout autre domaine, une autre victime est Jeune Afrique… Et oui, ce magazine vient, si l’information donnée par le site Maghreb Confidentiel se confirme, de se voir décommander 200 000 euros de publicité par le Maghzen, très fâché par la dernière Une du journal intitulée « Born in Morocco », qui montre sur fond de drapeau du royaume la figure des dix Marocains de la cellule terroriste ayant perpétré les attentats de Barcelone et de Cambrils !!
Mais là, peut-être bien que le Maghzen s’est pris les pieds dans le tapis… Car ces représailles signalent surtout les liens habituels qui l’unissent à la rédaction du journal, très favorable au régime de Rabat. D’ailleurs, François Soudan, le directeur de cette rédaction, n’a pas eu le temps de comprendre ce qui arrivait, continuant dans la même livraison de Jeune Afrique, de louanger sans retenue le roi Mohammed VI. Je le cite :« Dans ses discours comme dans ses actes, un roi marocain ne mélange pas les genres et ne saurait laisser flotter son propos au fil de l’actualité, si convulsive fût-elle. » Mazette, quel credo ! Tout ça pour justifier que le monarque n’a pas du tout fait allusion dans son discours du 20 août aux attentats qui avaient eu lieu 3 jours auparavant…
Plus dithyrambique encore, si possible, la manière dont François Soudan présente la philosophie royale de l’ouverture économique et commerciale du Maroc vers l’Afrique : « On ne commerce ni ne contracte dans le mépris de l’autre, explique le roi, avant d’ajouter que "la vraie source du profit n’est pas l’argent précaire, mais l’essence impérissable de la connaissance" » !! Ouah, quelle hauteur de vues, quel respect ! Pourtant, le ton était nettement plus arrogant lorsque l’été dernier le roi s’adressait à l’Union africaine à qui il reprochait l’« erreur historique » de la reconnaissance et de l’admission en son sein de la République sahraouie (R.A.S.D.) et expliquait sa décision de revenir à l’U.A. par cette sentence : « Quand un corps est malade, il est mieux soigné de l’intérieur que de l’extérieur » (sous-entendu : « Moi, Maroc, je vais le soigner… »).
A ces traits d’emphase s’ajoutent des analyses délibérément (ou naïvement?) faussées, comme par exemple le fait que « l’État marocain n’a plus de prise sur ceux de ses ressortissants dont la radicalisation s’est effectuée en Europe, sous la juridiction et la surveillance (parfois aléatoires) des services de sécurité européens. » Mais François Soudan ignore-t-il qu’un Marocain ne perd jamais sa nationalité ? Qu’il reste donc sujet* de Sa Majesté jusqu’à la fin de ses jours, et qu’à ce titre le roi est toujours responsable de lui ?
Non, le directeur de la rédaction de Jeune Afrique le sait très bien et distille ce savoir en signalant l’air de rien: « Cette nationalité qui, disait Hassan II, ne s’acquiert ni ne se perd...»
Plus loin, il actionne encore la brosse à reluire : « Si aucun attentat n’est survenu (au Maroc) depuis celui du café Argana à Marrakech il y a plus de six ans, alors que le royaume présente toutes les caractéristiques de la cible recherchée par Daesh et Al-Qaïda, c’est aux méthodes et à l’efficacité de sa police qu’il le doit, ainsi qu’au contrôle en profondeur d’un champ religieux où l’autorité du Commandeur des croyants s’exerce sur fond d’islam tolérant. »
Que la police et les autorités des pays occidentaux en prennent de la graine !
Il y a donc un certain manque de reconnaissance de la part du Palais. En fait, une grosse bévue. Mais… chassez le naturel, il revient au galop !
* sujets = « troupeau des fidèles que soigne le pasteur-souverain, et qu’il guide vers le salut » selon Omar Saghi, politologue marocain. Et Mohammed VI, Commandeur des croyants, est le « pasteur-souverain ».