Quoi ? Le grand ennemi de l’Occident n’a d’autre moyen de défendre sa « cause » que de récupérer la folie meurtrière d’un pauvre type, d’un petit voyou dont la vie n’avait plus aucun sens, qui battait sa femme, qui s’engueulait tout le temps, qui volait, qui n’avait plus le sou, qui avait commencé le ramadan mais l’avait ensuite interrompu…
Qu’est-ce que Daech propose, à travers ce meurtre de masse barbare, aux islamistes de France, d’Europe et de Méditerranée ?
Un repoussoir.
A Nice, il y a des Tunisiens parmi les victimes, comme déjà en novembre au Bataclan il y avait des Franco-algériens, des musulmans de culture, sinon de religion pratiquée.
Maintenant, surtout maintenant que la route de Syrie est presque coupée, qui Daech peut-il entraîner derrière lui ici en France ou en Belgique, sinon des jeunes paumés ?
Alors, la menace existe bien sûr toujours. Il ne s’agit pas de crier victoire. Mais il y a comme un mouvement parmi les gens ici, une gravité et une belle solidarité. Et de l’indifférence, voire du mépris, pour l’agitation des politiques, leurs dénonciations réciproques, leurs discours va-t’en guerre.
La société civile – et là les musulmans et les non-musulmans doivent impérativement se joindre – peut montrer sa force, pousser les gouvernants pour qu’enfin ils adoptent une perspective politique motivante, vertueuse, et néanmoins réaliste. Arrivée à ce point, je m’effacerai derrière ce que disaient le 17 novembre 2015 les historiens Sophie Bessis et Mohamed Harbi dans Le Monde :
« On ne dira jamais assez à quel point le double standard érigé en principe politique au Moyen-Orient a nourri le ressentiment, instrumentalisé en haine par les entrepreneurs identitaires de tous bords. Alors oui, soyons réalistes, demandons l’impossible. Exigeons que la France mette un terme à ses relations privilégiées avec l’Arabie saoudite et le Qatar, les deux monarchies où l’islam wahhabite est la religion officielle, tant qu’elles n’auront pas coupé tout lien avec leurs épigones djihadistes, tant que leurs lois et leurs pratiques iront à l’encontre d’un minimum décent d’humanité.
Exigeons aussi de ce qu’on appelle « la communauté internationale » qu’elle fasse immédiatement appliquer les résolutions des Nations unies concernant l’occupation israélienne et qu’elle entérine sans délai la création trop longtemps différée de l’Etat palestinien par le retour d’Israël dans ses frontières du 4 juin 1967.
Ces deux mesures, dont riront les tenants d’une realpolitik dont on ne compte plus les conséquences catastrophiques, n’élimineront pas en un instant la menace djihadiste, aujourd’hui partout enracinée. Mais elles auront l’immense mérite d’en assécher partiellement le terreau. »
J’insisterai particulièrement sur le deuxième point : l’impunité dans laquelle la « communauté internationale » – la France au premier chef – laisse Israël agir dans les territoires occupés est un point de départ de haine, qui se répercute sur tout le Moyen Orient et au-delà.
Et sans cette perspective politique courageuse, il nous reste… encore plus de barbarie.