Nina Innana (avatar)

Nina Innana

tisseuse de mots

Abonné·e de Mediapart

33 Billets

0 Édition

Billet de blog 18 avril 2022

Nina Innana (avatar)

Nina Innana

tisseuse de mots

Abonné·e de Mediapart

Catalogue des femmes

Ode aux poétesses passées, présentes et futures

Nina Innana (avatar)

Nina Innana

tisseuse de mots

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Telle Virginia Woolf, piétinant le beau gazon d'Oxbridge

sous le regard horrifié de l'appariteur

Telle Mona Chollet qui de sa force tranquille

a dessiné un Chez soi qui est aussi un chez moi

Telle la fille King Kong, toujours trop de tout

Virginie Despentes, exclue du marché de la bonne meuf

Telle encore Olympes de Gouges clamant

« Femme, réveille-toi »

Telles les guérillères de Monique Wittig

Telle Judith Butler

Telle Louise Labé

Telle Sappho aux seins violets

Telle la femme sauvage de Clarissa Pinkola Estès

Telle Starhawk et ses rêves de l'obscur

Telle Maya Angelou qui se dresse encore et encore

Telle Audre Lorde,

et ses nouveaux outils

pour démanteler

la maison du maître

Telle Maryse Condé

Telle Léonora Miano

Telle Fatou Diome

Telle Marguerite Duras

Telles les parleuses

Telles les conquérantes

Telles toutes celles qui ont refusé le silence

même au plus profond de leur chambre - recluses

Telle Emily Dickinson

« Je ne suis personne

 Es-tu personne – aussi ? »

Telle bell hooks

Telle Gloria Steinem

Telles encore

Nancy Huston

Chimamanda Ngozi Adichie

Delphine Horvilleur

Michelle Perrot

Assia Djebar

Telle Annie Ernaux et ses armoires vides

Telles Violette Leduc et Simone de Beauvoir

Telle Susan Griffin

Telles toutes celles qui ont résisté

qui se sont levées et se sont cassées

Telle Adrienne Rich, qui plonge jusqu'à

l'épave,

avec un livre de mythes

dans lequel nous ne sommes pas

Et Eia pour toutes les autres

Eia pour toutes celles qui n'ont écrit aucun roman, composé aucun poème, tenu aucun journal

Eia pour celles qui n'ont exploré que l'étendue de leur petit jardin, qui n'ont eu le temps que pour les nuages brossés, les hirondelles moqueuses et la pluie sur les carreaux

Eia pour celles sans nom et sans visage

Eia pour celles qui ont récuré les casseroles et frotté les lattes du plancher jusqu'à épuisement de leur dernière goutte d'énergie

Eia pour les entrailles dévastées, les vulves déchirées et mal recousues, les seins meurtris

Eia pour toutes celles dont personne n'écrira jamais la vie parce qu'il n'y a rien à en dire, parce qu'elles ont cuit un pain immangeable, torché les culs, repassé les chemises, épluché les carottes et trié les lentilles

Eia pour toutes celles que le temps a oubliées, dont on ne relate pas la vie, dont on ne célèbre pas la mort, qui gisent oubliées dans le grand magma gris de l'oubli, oubliée leur petite vie étriquée et rêche, oubliée leur insignifiance redoutable, leur réel visqueux et gluant qui les a absorbées dans ses rets

Eia pour la sœur de Shakespeare, « cette poétesse qui n'a jamais écrit un mot »1

Les rêves ne vieillissent pas

Ils pédalent inlassablement, pédalent dans l'air rafraîchi de la nuit, pédalent, transportés par la moiteur de la lune, sur les ailes de l'hirondelle lançant son cri

pédalent leurs intranquilles mots

car les grandes poétesses

ne meurent pas2

1Virginia Woolf, Une chambre à soi

2Virginia Woolf, Une chambre à soi (la citation exacte est « les grands poètes ne meurent pas ; ils sont des présences éternelles ; ils attendent seulement l'occasion pour apparaître parmi nous en chair et en os »)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.