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Billet de blog 5 février 2016

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Dégressivité des allocations chômage : mais que reste-t-il à la droite ?

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François Hollande avait ouvert les hostilités le 18 janvier, en dénonçant la durée d’indemnisation chômage comme étant « la plus longue d’Europe ». Sa ministre du travail vient de lui emboîter le pas en suggérant d’introduire la dégressivité des allocations chômage dans le but de « favoriser le retour à l’emploi ». La ministre nous précise qu’il faut aborder ce sujet « sans préjugés » et de « façon non passionnée ». C’est donc de façon tout à fait non passionnée et sans aucun préjugé que nous allons étudier cette proposition…pour montrer son caractère abjecte et son inefficacité.

Tout d’abord, quand la ministre nous explique aborder le sujet sans préjugés, elle nous trompe. La question n’est pas tant de savoir si elle en est consciente où si l’idéologie néolibérale a tant infesté le PS, que leurs représentants ne se rendent plus compte à quel point ils font corps avec elle, mais les faits sont là, cette proposition repose sur un préjugé important.

En effet, supposer qu’introduire une dégressivité des allocations chômage favoriserait le retour à l’emploi, c’est s’inscrire dans le courant idéologique le plus droitier, courant qui suppose que le salarié est un agent économique rationnel qui discute d’égal à égal avec son employeur et qui effectue un choix, économiquement rationnel bien sûr, entre travailler ou rester au chômage, dans le but de toucher de supposées généreuses indemnités. Dans le monde merveilleux des économistes « mainstream » ou « néolibéraux », abaisser le niveau de l’indemnisation permettrait de modifier les termes de cet arbitrage et inciterait donc le chômeur à reprendre un emploi, même mal payé.

Tout ceci est évidemment absurde, quand il y a plus de 5,8 millions de demandeurs d’emplois emploi et qu’on évalue à 1,5 million le nombre de personnes qui ne s’inscrivent plus à Pôle emploi tant elles sont découragées. Quand on sait de plus, que la moitié des inscrits à Pôle emploi ne sont pas indemnisés et que pour ceux qui le sont, la moitié touche moins de 1000€ par mois pendant en moyenne 10 mois, comment peut-on lancer de telles idées ? Si ces personnes sont au chômage c’est parce qu’on les a mises dehors (et on les mettra dehors de plus en plus facilement quand le code du travail aura été « modernisé ») ou qu’on n’a pas renouvelé leur CDD.

Ensuite, la ministre nous dit qu’elle souhaite « favoriser le retour à l’emploi ». Il semblerait qu’à une connaissance approximative du droit du travail, notamment en matière de nombre de renouvellements consécutifs des CDD, il faille ajouter une méconnaissance des mécanismes de l’emploi. Au risque d’enfoncer une porte ouverte, pour favoriser le retour à l’emploi, encore faut-il que cet emploi existe. Or les politiques d’austérité appliquées avec zèle par le gouvernement limitent justement la possibilité de développer l’emploi. On rappellera de plus, qu’on n’a jamais favorisé l’emploi en rendant les conditions de vie des chômeurs encore plus difficiles. Une étude de l’INSEE[1] a même montré que la dégressivité des allocations avait plutôt l’effet inverse tandis qu’une publication de la DARES[2] montre que les sanctions ont des effets néfastes sur les trajectoires professionnelles des personnes qui subissent ces sanctions.

Enfin, concernant le discours sous-jacent de ce gouvernement, qui voudrait faire passer notre système d’assurance chômage comme étant particulièrement dispendieux et généreux, on rappellera, toujours de façon tout à fait dépassionnée, quelques chiffres. Si l’on considère les dépenses d’indemnisation chômage en point de PIB par point de chômage, la France est à peine au-dessus de la moyenne européenne, à un niveau deux fois inférieur à celui de pays comme les Pays-Bas, l’Autriche ou le Danemark. Quant au coût de l’indemnisation chômage, on notera que le total des prestations chômage versées en 2015 représente seulement 34 Mds € soit 7 Mds € de moins que ce nous coûteront les récents cadeaux (CICE, Pacte de responsabilité) offerts au MEDEF, sans aucune contrepartie et qui ne créeront pas d’emplois.

S’il est particulièrement révoltant que des représentants de ce gouvernement soutiennent des dispositifs qui n’auront d’autre effet que de favoriser la stigmatisation des plus précaires et de rendre leurs conditions de vie encore plus insupportables, ce n’est pas si surprenant. On ne doute  d’ailleurs pas que d’autres surenchériront dans les semaines à venir. S’il est une déchéance qui est acquise, c’est bien celles des valeurs morales de ce gouvernement.


[1] http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES343A.pdf

[2] http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/DE_178.pdf

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