Un « small business act à la française », c’est ainsi que Manuel Valls a qualifié les 18 mesures pour l’emploi dans les TPE/PME présentées le 9 juin 2015.
Or, loin de prévoir des dispositifs à même de favoriser l’activité et l’emploi dans ce secteur, ces mesures s’inscrivent toujours un peu plus dans le diptyque cher à ce gouvernement en matière d’emploi, à savoir, donner de l’argent public aux entreprises et s’attaquer aux dernières protections dont bénéficient les salariés.
Distribuer de l’argent public et s’attaquer au droit du travail ne créera pas d’emplois et fragilisera un peu plus les salariés
Ainsi, le gouvernement prévoit de donner 4000 € sur deux ans aux entreprises réalisant une « première embauche », démontrant une fois de plus son incompréhension des mécanismes économiques. En effet, ce n’est pas un cadeau de 2000 € sur un an qui décidera une entreprise à embaucher un salarié mais la perspective d’avoir un carnet de commandes bien rempli. Or, compte tenu des sombres perspectives à venir, qui résultent directement de la politique de ce gouvernement (hausse du chômage, diminution des commandes des collectivités territoriales à la suite de la baisse de leurs dotations, diminution des pensions des retraités…), de nombreuses entreprises n’embaucheront pas. Les seules entreprises qui bénéficieront de ce dispositif seront celles qui auraient de toute façon embauché. On est donc dans un cas typique d’effet d’aubaine, donc d’argent public dilapidé.
Le gouvernement souhaite également « encourager l’entreprenariat des demandeurs d’emploi ». Sans doute le premier ministre, espère-t-il une fois de plus s’inspirer du contre-modèle britannique où, depuis 2007, les deux tiers des créations d’emplois ont été réalisées sous le statut d’auto-entrepreneurs[1]. On rappellera pourtant que selon un rapport conjoint IGAS-IGF de 2013[2], 52% des auto-entrepreneurs ne dégagent aucun chiffre d’affaires et que 90% d’entre eux disposent d’un revenu inférieur au SMIC. Quand on sait de plus que ce régime permet aux grandes entreprises de détourner le dispositif et d’externaliser à moindre frais certains postes, on peut légitimement douter de l’efficacité de la démarche encouragée par le gouvernement.
Le plus grave reste cependant à venir et concerne plus directement le droit du travail, ce cadre juridique qui permet au salarié d’être partiellement protégé contre l’inégalité fondamentale qui caractérise la relation qui l’unit à son employeur.
Tout d’abord, un CDD ou un contrat d’interim pourra désormais être renouvelé deux fois au lieu d’une, la durée totale des trois CDD ne pouvant dépasser la durée maximale légale de 18 mois. On ne doute pas qu’un grand nombre d’employeurs se saisira de cette mesure qui entrainera mécaniquement une réduction de la durée moyenne des CDD. Curieux pour un gouvernement qui affichait sa volonté de s’attaquer à la multiplication des contrats courts. Les signataires de l’ANI de 2013 (CFDT, CFE-CGC et CFTC) qui avaient naïvement accepté de signer un accord qui précarisait un peu plus les salariés en contrepartie de mesures visant à lutter contre les contrats courts apprécieront…
Plus grave encore, il est prévu d’encadrer le montant des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fixées par les prud’hommes. Il s’agit ni plus ni moins de rendre prévisible le coût d’un licenciement injustifié. Un employeur pourra donc désormais évaluer de façon beaucoup plus certaine ce que lui coûtera le licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié et, le cas échéant, décider de le licencier sans aucun motif. On aurait voulu faciliter le licenciement des salariés trop consciencieux (car c’est connu, respecter les règles de sécurité et les bonnes pratiques de travail, c’est coûteux) ou respectueux de la loi (comme l’ont montré des exemples récents dans le secteur bancaire[3]) que l’on ne s’y serait pas pris autrement. Ce dispositif n’a pour seul but que de faciliter les licenciements et de rendre plus docile encore les salariés qui savent désormais que leur employeur n’aura plus à craindre une quelconque imprévisibilité liée à un licenciement sans justification.
Enfin, les très contestés accords de maintien de l’emploi introduits par l’ANI de janvier 2013 déjà cité, vont être revus dans une version encore plus défavorable aux salariés. Ces accords, qui prévoient, en échange d’engagements assez vaseux de l’employeur en matière de maintien de l’emploi, de multiples renoncements des salariés (baisses de salaires, diminution du nombre de RTT, augmentation du temps de travail sans augmentation des salaires…), doivent être approuvés par une majorité de syndicats pour être applicables. Une fois l’accord approuvé, les salariés qui refusaient cet accord étaient licenciés pour motif économique. Dans la nouvelle mouture, le motif économique, et ce faisant, les mesures d’accompagnement qui s’y rattachaient, sont supprimés. Peut- être le gouvernement estime-t-il que rendre encore moins favorable le refus par les salariés encouragera leurs représentants à signer de tels accords, car pour l’instant cette mesure phare est un véritable « bide » (moins de 10 accords signés en France deux ans après leur introduction…).
On remarquera que ces deux derniers dispositifs, qui constituent les attaques les plus dangereuses pour le droit du travail, sont insérées par voie d’amendement dans la loi Macron et ne feront donc pas, 49-3 oblige, l’objet d’un quelconque débat…
Pourtant des solutions permettant de relancer l’activité sans nuire aux salariés existent
Toutes ces mesures n’auront donc aucun effet sur l’emploi et ne constituent qu’un nouvel acte de soumission au patronat qui considère le droit du travail comme une insupportable contrainte.
Il existe pourtant des mesures pour relancer l’activité des TPE et PME. Elles sont connues et ne concernent pas le droit du travail.
Cesser cette politique d’austérité qui touche les ménages comme les collectivités territoriales constitue bien sûr la première d’entre elles. Créer un pôle public bancaire qui prêterait aux entreprises pour leur permettre d’investir en constituerait une autre tout comme la mise en place d’une politique de transition énergétique à laquelle ces entreprises pourraient participer.
Il serait également temps de remettre en cause les rentes et les comportements prédateurs des grands groupes qui font peser sur les petites entreprises leurs exigences insoutenables de rentabilité financière et qui n’hésitent pas à externaliser certains de leurs services dans ces entreprises dans le but de rémunérer toujours moins le travail.
Mais de telles mesures sont évidemment combattues par le MEDEF et la CGPME qui, loin de représenter les entreprises, sont là pour sauvegarder les intérêts d’une oligarchie au détriment de ceux qui créent la richesse, les salariés.
[1] http://www.alternatives-economiques.fr/l-emploi--vrai-ou-faux-miracle-_fr_art_1361_72344.html
[2] http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Auto-entrepreneur_-_IGAS-IGF.pdf
[3] http://www.mediapart.fr/journal/economie/081013/aux-prudhommes-ubs-face-sa-lanceuse-dalerte , http://www.mediapart.fr/journal/france/300613/scandale-hsbc-falciani-le-temoin-cle-raconte