« Idiots utiles du Hamas », c’est en ces termes que le député PS Jérôme Guedj s’en est pris à ceux qui refusaient de s’associer à la rhétorique de l’extrême droite israélienne, que l’on pourrait résumer par les deux propositions suivantes :
- Hamas = terroristes = Daech = « Le Mal »
- Extrême droite israélienne = le monde occidental = « Le Bien »
Dans ces conditions n’allez pas surtout pas chercher une tentative d’explication à l’horrible massacre perpétré par le Hamas car « expliquer c’est déjà vouloir un peu excuser » selon la désormais célèbre maxime d’un ex-premier ministre de la gauche réactionnaire.
S’en sont suivis 10 jours de lynchage médiatique à l’encontre de LFI associant éditorialistes, représentants du gouvernement et membres de la NUPES désireux de rejouer le match de 2022.
Cachez cette population palestinienne que je ne saurais voir
Or qu’est-il exactement reproché à LFI ? De n’avoir pas qualifié le massacre du Hamas d’acte terroriste mais de crimes de guerre, cette position s’expliquant par la volonté de ne pas s’engager dans une rhétorique de choc des civilisations empêchant toute analyse et, ce faisant, toute proposition politique pour mettre fin à une situation qui crée les conditions de telles atrocités. Mais c’est justement cette analyse dont l’extrême droite israélienne et ses alliés, notamment l’amicale la plus réactionnaire et la plus discréditée du PS[1] ne veulent pas entendre parler. Car cette analyse obligerait à évoquer les massacres passés et en cours de la population palestinienne et, surtout, conduirait à remettre sur la table la question de la création d’un État palestinien.
Mais qui est ambigüe ?
S’il y a ambiguïtés, elles sont donc bien davantage du côté des relais les plus zélés de ce lynchage que du côté de LFI, dont la position est assez claire et constante et, finalement peu originale, car s’inscrivant dans la lignée « Gaullo-Mitterandiste » de la diplomatie française. Position d’ailleurs rappelée par l’ancien ministre des affaires étrangères de Jacques Chirac sur France Inter[2]. Qui fait preuve d’ambiguïté si ce n’est ceux qui, dans les jours qui ont suivi le massacre du Hamas, n'ont pas eu un mot pour la population palestinienne dont le massacre était en cours, pas plus qu’ils n’ont jamais eu un mot contre les conditions de vie imposées aux Palestiniens depuis trois quarts de siècle ? Qui fait preuve d’ambiguïté, si ce n’est ceux qui refusent de soutenir la création d’un État palestinien ?
Les ambiguïtés semblent en effet nombreuses chez ces arbitres des élégances et l’on aurait souhaité que les Lea Salamé, Nathalie Saint-Cricq ou Benjamin Duhamel, les interrogent avec la même hargne et la même subtilité que celle réservée à LFI, à coups de « une vie palestinienne vaut-elle moins qu’une vie israélienne ? », « les Palestiniens ne méritent-ils pas de disposer d’un État ? » ou « niez-vous une certaine forme d’humanité à la population palestinienne ? ».
Où sont les idiots utiles ?
Dès-lors qui sont réellement les idiots utiles ?
Les idiots utiles sont-ils parmi ceux qui applaudissent au soutien inconditionnel à l’État d’Israël décrété par la présidente de l’Assemblé nationale ? Cette inconditionnalité comprend-elle par exemple le massacre de la population gazaouie et si ce n’est pas le cas, au bout de combien de morts entendent-ils mettre des conditions ? 2000 (nous y sommes bientôt), 10 000, un million ?
Les idiots utiles sont-ils parmi qui permettent au RN de se faire une virginité alors même que l’absence d’ambiguïté de certains de ses fondateurs sur la question de l’antisémitisme est bien documentée ?
Les idiots utiles sont-ils parmi ceux qui légitiment l’extrême droite israélienne et la dérive autoritaire du gouvernement en place, lesquelles constituent pourtant le meilleur carburant de mouvements tels que le Hamas et de la remise en cause de l’État d’Israël ?
Idiots utiles ou inutiles mais surtout minables boutiquiers
Une fois identifiés ces idiots utiles, il semble difficile de conclure sans mentionner les idiots inutiles de la gauche, qui sont parfois les mêmes, preuve que l’idiotie reste surtout de l’idiotie.
En effet quoi de plus minable et de plus consternant que de voir cette confrérie de loosers se saisir d’évènements aussi tragiques pour tenter de contester le leadership de LFI sur la gauche.
Alors que la situation aurait exigé une certaine hauteur de vue, dont ils semblent incapables, ces professionnels de la tambouille politicienne ont préféré tenter d’user du « rayon paralysant de l’accusation d’antisémitisme », dont furent victimes en leurs temps Noam Chomsky ou Jérémie Corbyn, pour attaquer dès la première occasion venue un allié qui fut bien plus généreux qu’ils ne le disent lors des candidatures aux législatives[3] et dont les positions sur le conflit israélo-palestinien étaient déjà connues de tous.
En instrumentalisant les milliers de morts de ces derniers jours dans le seul objectif de servir leur petite boutique partidaire, ils se sont définitivement discrédités et ont démontré que leurs piètres résultats de 2017 et 2022 étaient amplement mérités.
[1] Pour une liste assez exhaustive de cette amicale de la gauche réactionnaire, le lecteur pourra se référer à cette tribune : https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/16/nous-socialistes-attaches-a-nos-valeurs-decidons-la-suspension-immediate-de-tout-cadre-commun-d-actions-avec-la-france-insoumise_6194740_3232.html
[2] https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-12-octobre-2023-8744437
[3] LFI aurait en effet pu faire le choix de présenter des candidats dans toutes les circonscriptions ce qui aurait abouti à l’absence très probable du PCF et d’EELV à l’Assemblée nationale et aurait empêché le PS de disposer d’un groupe. Ce n’est pas le choix qui a été fait, ce qui conduit à relativiser les visées hégémoniques de LFI.