NOAM AMBROUROUSI (avatar)

NOAM AMBROUROUSI

Abonné·e de Mediapart

30 Billets

0 Édition

Billet de blog 21 octobre 2014

NOAM AMBROUROUSI (avatar)

NOAM AMBROUROUSI

Abonné·e de Mediapart

Hollande et les allocations familiales, mon ennemi, c’est la sécu !

NOAM AMBROUROUSI (avatar)

NOAM AMBROUROUSI

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La modulation des allocations familiales qui figure dans le PLFSS 2015, présenté le 21 octobre à l’assemblée nationale, s’inscrit dans la droite ligne des attaques dont est régulièrement l’objet la sécurité sociale. Néanmoins, cette attaque possède des traits singuliers, d’une part parce qu’elle est mise en œuvre par un gouvernement prétendument de gauche, d’autre part parce qu’elle semble recueillir la bienveillance de députés qui se revendiquent de la gauche du PS et enfin parce qu’elle constitue peut être l’une des attaques les plus dangereuses contre la sécu. Il semblerait donc que par cette mesure, Hollande puisse réaliser le rêve de Denis Kessler, ex n°2 du Medef, qui ne cachait pas sa satisfaction, quelques mois après l’élection de Sarkozy, de voir mises en œuvre tout un ensemble de mesures dont la cohérence inavouée était de « défaire méthodiquement le programme du CNR ».

Avant de revenir sur la gravité de cette mesure, il convient tout d’abord de ne pas se laisser abuser par l’argument égalitaire. En effet, pour réduire les inégalités, on n’a jamais fait mieux que l’impôt sur le revenu, cet impôt dont la progressivité et la légitimité ne cessent d’être remises en cause, à l’image de la récente décision consistant à supprimer la première tranche. En outre, si le pouvoir en place se souciait d’égalité, cela se saurait, il n’aurait pas décidé par exemple de relever, moins d’un an après avoir été élu, le taux de TVA, impôt inégalitaire s’il en est.

Concernant cette décision de modulation des allocations familiales en fonction du revenu, au delà des effets de seuils probables qu’une telle mesure risque d’engendrer, c’est surtout son caractère nocif pour l’avenir de notre système de sécurité sociale qui doit être dénoncé.

En effet, introduire une telle modulation, c’est répandre les germes de la remise en cause de la solidarité sur laquelle est fondée notre système de sécurité sociale. Une fois que les seuils, à partir desquels cette modulation s’appliquera, s’appliqueront (6000 euros de revenus mensuels pour une réduction par deux des allocations et 8000 euros mensuels pour une réduction par quatre), il se développera un discours (déjà très présent et fort instrumentalisé par les forces réactionnaires dont une grande partie des dirigeant PS font partie) selon lequel ces allocations profitent à des assistés sur le dos des classes moyennes et supérieures qui financent le dispositif. Parallèlement, le discours « libéraustéritaire » sur « les caisses vides, l’Etat en faillite et le déficit » accréditera l’idée d’un nécessaire abaissement de ces seuils, abaissement qui permettra en retour d’asseoir un peu plus le discours précédent. In fine, le dispositif en question ne sera plus destiné qu’aux catégories les plus pauvres, ce qui provoquera en vertu de l’adage selon lequel « une prestation pour pauvres a toutes les chances de devenir une pauvre prestation », la quasi disparition des allocations familiales.

Penser que ce mécanisme s’arrêtera à la famille serait naïf, tant les ennemis de la sécu disposent de solutions qui relèvent à peu de choses près de la même logique. Ainsi, dans le domaine de la santé, qui attise depuis longtemps de solides appétits et qui a fait l’objet de nombreuses attaques (si bien qu’aujourd’hui, moins de 55% des soins courants sont remboursés par l’Assurance maladie), certains nous vendent la solution du bouclier sanitaire[1] voire, comme ce député PS de l’Ardèche[2] (amis Ardéchois, ne vous privez pas de demander des comptes à votre député), la fin du remboursement des soins courants par l’Assurance maladie.

Et cette logique se poursuivra jusqu’à « défaire méthodiquement le programme du CNR ».

Tout ça pour quoi ? Pour offrir bien sûr de nouveaux débouchés à un capitalisme qui en manque singulièrement aujourd’hui. Pensez, le budget de la sécurité sociale c’est plus de 450 Mds€, qui échappent au secteur privé.

Avec quel résultat ? Des dépenses plus élevées pour les assurés (il faut bien payer la publicité, rémunérer les actionnaires et couvrir les frais de gestion supplémentaires engendrés par la multiplication d’opérateurs couvrant une population bien plus faible que celle couverte par la sécurité sociale) pour un service offert de moins bonne qualité. Un exemple est particulièrement parlant pour illustrer ce phénomène, celui de la santé. Plus le taux de dépenses socialisée diminue, plus le dispositif est coûteux pour les citoyens et plus les indicateurs de santé sont mauvais avec comme exemple idéaltypique, celui des Etats-Unis. 

            En fin de compte, contrairement, à l’image du Président indécis que les média véhiculent, Hollande se signale au contraire par la cohérence de ses décisions, lesquelles ne poursuivent qu’un but, servir le capital et appauvrir le peuple.

C’est dans ce projet que s’inscrivent des mesures telles que :

-       le refus de toute réforme ambitieuse de la fiscalité qui aurait pu conduire à introduire une très forte progressivité ;

-       la mise en place du CICE et du pacte de responsabilité lesquels consistent à donner 40 Mds€ par an sans contreparties au patronat, sur le dos de la population (augmentation de la TVA, réduction drastique de la dépense publique entrainant une dégradation de la protection sociale et des services publics) ;

-       cette modulation des allocations familiales qui constitue une attaque contre la sécurité sociale, vue par le capital comme une source de manque à gagner et présentant, aux yeux de ce dernier, un caractère profondément subversif (socialisation d’une partie de la valeur ajoutée), totalement insupportable.


[1] Le bouclier sanitaire qui peut consister en des variantes plus ou moins sophistiquées consiste à définir un plafond annuel de dépenses de santé en dessous duquel les dépenses ne sont pas prises en charge et au dessus duquel elles sont intégralement prises en charge. Une telle mesure présente de nombreux effets délétères. D’une part, elle engendrera de nombreux renoncements aux soins car pour certaines populations ce sont bien les premiers euros à dépenser qui sont facteur de renoncement. D’autre part, même dans sa version « social-démocrate », laquelle prévoirait un seuil d’autant plus élevé que les revenus de la personne sont faibles, les plus riches ne manqueraient de se désolidariser d’un dispositif qui leur assurerait une protection moindre que celle offerte aux moins fortunés.

[2] http://www.argusdelassurance.com/reavie-2014/pascal-terrasse-ps-dit-oui-a-un-transfert-de-la-secu-vers-les-complementaires-sante.83820

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.