Depuis dimanche, à la cruelle déception d’avoir échoué de si peu aux portes du second tour, s’ajoutent pour les insoumis, et plus encore pour Jean-Luc Mélenchon, des injonctions au vote Macron qui prennent le plus souvent la forme de l’insulte ou du procès en indignité. Cette situation est non seulement insupportable mais elle pourrait de plus se révéler contreproductive. Dans ces conditions pourquoi ces donneurs de leçons continuent-ils ? Serait-ce parce que derrière cette injonction à « faire barrage au FN » se cachent des intentions beaucoup moins nobles, notamment celle de faire barrage à la France Insoumise.
S’il est bien une force qui peut donner des leçons en matière de lutte contre le Front National c’est bien la France Insoumise
Il est effectivement insupportable de se voir administrer des leçons de démocratie et de lutte contre le fascisme par ceux là même qui bafouent la première et prospèrent grâce à l’épouvantail FN. Il est en effet intéressant de se pencher sur le pedigree de ceux qui s’érigent depuis dimanche en procureurs. Qui sont-ils et qu’ont-ils fait depuis des années ces nouveaux prêcheurs du combat antifasciste, qui semblent découvrir l’usage du mot démocratie ?
Devons nous accepter les insultes d’éditorialistes appartenant à des groupes aux mains d’intérêts financiers qui ne brillent pas leur souci de la démocratie quand ils s’agit de diriger leurs entreprises, où la discrimination syndicale est généralement la règle, ou de négocier des marchés avec des régimes bien peu démocratiques ? Comment ces organes médiatiques osent-ils nous parler de démocratie alors que toute expression d’une opinion dissidente y est interdite, au point qu’y inviter des intellectuels trop éloignés de la ligne ou co-écrire un livre d’entretien avec Jean-Luc Mélenchon vaut licenciement, dans le cas d’Aude Lancelin, ou sanction, dans le cas de Cécile Amar. Devons nous rappeler à ces personnes quel a été le traitement médiatique dont a bénéficié notre candidat durant cette campagne présidentielle ou quel a été le nombre de unes en faveur de leur nouveau champion ? Pire, devons-nous leur ressortir les unes et les articles consacrés à celle contre qui il s’agit aujourd’hui de faire barrage mais qui semblait pourtant beaucoup plus fréquentable ,moins dangereuse et surtout plus utile il y a quelques temps ?
Aux côtés de ces éditocrates, nous retrouvons aussi des dirigeants et militants de mouvements et partis politiques qui, dans le meilleur des cas, n’ont jamais été d’aucune utilité pour lutter contre le FN et, dans le pire des cas, ont même alimenté le vote en faveur de ce parti. La montée du vote FN est en grande partie due à un triptyque mortifère débuté en 2005 avec le NON à la constitution européenne sur lesquel se sont assis les parlementaires de l‘UMP et du PS un triste jour de février 2008, qui s’est poursuivi sous le quinquennat Sarkozy durant lequel les mots du FN furent repris, et qui s’est terminé en apothéose sous le quinquennat Hollande, au cours duquel les multiples renoncements (signature du TSCG, abandon de Florange), l’approfondissement des pires politiques de l’UMP (CICE, pacte de responsabilité, loi El Khomri) et la reprise des idées les plus nauséabondes (déchéance de la nationalité, propos sur les Roms qui ne voudraient pas s’intégrer) donna de plus en plus de corps aux discours sur « l’UMPS » et légitima certains des propos du FN. Or, à chaque étape les donneurs de leçons d’aujourd’hui furent toujours du mauvais côté pendant qu’une grande partie des nôtres s’opposait.
Donc décidément non, nous n’avons pas de leçons à recevoir mais surtout nous devrions vous les donner ces leçons car s’il est bien une force qui a réussi à faire reculer le FN, c’est bien la France Insoumise. Il suffit pour s’en convaincre de regarder nos résultats électoraux dans le nord ou le sud de la France. Et ces résultats ont été obtenus en faisant appel à l’intelligence et à la mobilisation politique et non en reprenant les discours de ca parti réactionnaire et xénophobe, qui n’a jamais été et ne sera jamais du côté des salariés et des classes populaires.
Un barrage peut en cacher un autre
Mais il est nécessaire d’aller plus loin que la dénonciation de l’hypocrisie de nos adversaires et de nous interroger sur leurs motivations réelles. Si comme on l’a vu ces personnes ont plutôt joué le rôle de catalyseur que de barrage face au FN, il est en revanche un barrage qui leur tient décidément bien à cœur, c’est celui qu’il s’agit de construire face à la France Insoumise.
Comment appeler ce qui a été mis en place au cours des deux semaines précédant le premier tour, semaines durant lesquelles les éditos et les articles les plus odieux se sont succédés, les uns nous accusant d’être les amis des dictateurs, les autres de vouloir ruiner la France ou encore d’être d’affreux nationalistes, accusations qui n’étaient bien évidemment jamais étayées et qui venaient de personnes qui n’avaient même pas pris la peine de lire nos propositions. La panique créée par une possible victoire de la France Insoumise aux élections présidentielles produit alors un saisissant effet de révélation. Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que cette amicale antimélenchoniste comprenait même des belles personnes qui ne cessent jamais de se réclamer de la « gôche ». Le camp Hamon n’hésita pas une seule seconde à reprendre la rhétorique de nos adversaires, comme lors du meeting de Rennes du 14 avril, alors même que nous avions eu la correction de rester silencieux sur les turpitudes de leur candidat et de ses soutiens. Plus anecdotique mais tellement symptomatique, Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques, publia coup sur coup deux tribunes, l’une le 13 avril sur Libération, l’autre sur son blog le 19 avril, où se mêlaient l’insulte et les approximations d’une façon si caricaturale que les propos tenus (défense du CICE, dénonciation de la hausse des dépenses publiques) étaient carrément contraires à tout ce qui avait pu être écrit dans son mensuel ces dernières années.
Donc ne nous y trompons pas, ces attaques sur la position de la France Insoumise à propos du second tour, n’ont rien à voir avec la défense de la démocratie ou le danger du vote FN. Elles visent pour les uns à tenter d’affaiblir un mouvement dont ils ne comprennent pas la force et pour les autres, notamment ceux qui ont voté Hamon ou se sont compromis dans un vote utile en faveur de Macron, à se racheter une bonne conscience à bien peu de frais. Car s’il était un vote utile, républicain et à la hauteur de l’enjeu historique de cette élection, c’est celui qui permettait d’amener Jean-Luc Mélenchon au second tour et par là même d’éliminer la candidate du Front national dès le premier tour. Encore une fois vous êtes passés à côté de l’histoire, mais de grâce ne nous faites pas porter le chapeau. Nous, le Front national nous le combattons chaque jour et nous avons trouvé le moyen de le faire reculer. Nous allons continuer et nous serons à la hauteur des enjeux quelles que soient les échéances. Mais nous n’acceptons plus vos leçons et surtout nous vous dénions le droit de vous draper dans une moralité dont vous n’êtes pas dignes.