Rapport du préfet Thuillier, 1852 (extrait):
«... La nature a été prodigue envers la Corse. Elle lui a donné une terre fertile sous un ciel admirable, un sol qui se prête à toutes les cultures, d'immenses forêts, des ports vastes et sûrs, une situation géographique heureuse entre toutes au centre de la Méditerranée et pourtant (...) la cause principale de tous vos maux, c'est le fléau sans cesse renaissant du banditisme (...). Deux cent bandits qui bravent impunément les arrêts de justice et les poursuites d'une légion entière de gendarmerie; qui depuis 1821 ont commis quatre mille trois cent dix neuf assassinats, dont huit cent trente trois accomplis pendant les quatre dernières années (...). Qui viennent enfin de frapper deux magistrats municipaux (...). Soyons résolus à ne rien épargner pour fonder sur des bases inébranlables la sûreté publique d'où découleraient naturellement et sans effort sur cette terre favorisée du ciel, la richesse, l'abondance, et tous les bienfaits de la civilisation».
Ce à quoi, M. Charles Abbatucci ajoutait: "Que chacun de nous, mû par la conscience irrésistible des vrais intérêts du pays, use de sa légitime influence (...) pour diriger les esprits vers les idées de justice, de paix et de conciliation, afin que les haines s'apaisent, que les sanglantes inimitiés s'éteignent".
Discours de M Dominique Bucchini à l'Assemblée de Corse après l'assassinat de M. Dominique Domarchi, plus proche conseiller de M Paul Giacobbi, président de l'exécutif (extrait) - mars 2011:
" (...) la sauvagerie de ce crime. Comme tant d'autres hélas, il nous montre que chez certains individus, le prix de la vie ne mesure plus grand-chose. Au fur et à mesure que la Corse s'enfonce dans une spirale de violence, la vie humaine ne cesse de se dévaluer. Prenons garde à ce que le meurtre ne s'impose ici, comme un moyen parmi d'autres de régler les différends. Chaque meurtre est en soi une lâcheté méprisable; mais quel honneur peut-on trouver à frapper ainsi de dos, dans l'obscurité, des gens sans défense (...). À force de se succéder, les homicides se banalisent pour devenir des faits divers. Un meurtre a vite fait d'en effacer un autre, et ainsi la société corse assiste, impuissante, à son délitement progressif. Prenons garde à ne pas laisser s'installer dans notre île un climat de fatalisme mais aussi de confusion, car dans ce contexte de crise morale, économique et sociale, il ne pourrait que faciliter, inévitablement, des passages à l'acte ultérieurs (...). Quelles qu'aient été les intentions des meurtriers de Dominique Domarchi, un fait marquera l'inconscient collectif, un élu a été froidement assassiné dans sa commune, dans sa maison, le soir d'un scrutin (...). Jamais le meurtre d'un élu n'aura, en Corse, empêché notre démocratie locale de s'affirmer dan son enracinement comme dans sa légitimité. Mais trop nombreux restent encore ceux qui exercent leur mandat, ceux qui se dévouent à l'intérêt général, en subissant des pressions quotidiennes. Menaces qui restent la plupart du temps verbales, peut-être, mais menaces qui, dans ce climat de violence, revêtent une toute autre résonance. Nous ne pouvons plus accepter ce type de pression sur les représentants du peuple. Loin de les intimider, au contraire, ces pressions doivent renforcer la détermination des élus à agir".
Extrait de ma pièce Bastia l'hiver:
(Pardon de me citer mais une fois n'est pas coutume)
Le Très Vieux (à deux jeunes tueurs):
- Depuis des années et des années
depuis que je suis revenu ici après mes études pour occuper les places de mon père de mon grand-père et de mon arrière grand-père
depuis toutes ces années
je n’ai pas eu un seul jour de repos.
Un seul jour de tranquillité.
Jamais.
Que je m’en sois mêlé ou pas
la violence a engendré la violence
le meurtre le meurtre
la folie la folie.
Oui
on a fait tuer
on a laissé tuer
on a tué
pour moins que ça
comme tu dis.
Parfois pour vraiment rien.
Le dernier que vous avez tué
je ne sais pas pourquoi
je m’en souviens
je me souviens de lui.
Vous vous êtes réunis
vous avez préparé un plan
volé deux voitures, commandé des armes et, pendantdes heures et des heures, jour et nuit
vous l’avez pisté jusqu’à un soir du printemps dernier où vous êtes allés l’attendre là où il travaillait, la nuit, près de la mer.
Mais vous n’avez entendu
ni la mer
ni le vent
ni la voix
qu’il avait en sortant de sa voiture
la voix d’un jeune homme de vingt-cinq ans qui parle avec son ami d’enfance que vous n’avez pas entendu non plus vous crier - Oh les enfants, déconnez pas ! - lorsque vous êtes sortis de la nuit, cagoulés et armés vous ne pouviez
plus rien entendre
plus rien voir
plus rien vivre
et vous avez tiré sans l’entendre, lui non plus, vous crier
Vous allez pas me tuer ! Vous allez pas me tuer !
en tenant de son ventre ce qui en sortait et ça
vous l’avez peut-être un peu vu
parce que vous avez encore tiré
mais à bout touchant du visage
et on n’a jamais retrouvé la tête.
Post scriptum: dans la nuit du 11 au 12 mars dernier, après la représentation que nous avons donnée au théâtre municipal de Bastia, un jeune homme de vingt cinq ans a été assassiné à deux pas de l'hôtel où séjournaient deux d'entre nous.
Que ce billet d'aujourd'hui lui soit dédié.