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Billet de blog 2 décembre 2011

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En Corse, on ne fait pas que tirer

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On a beau dire qu'en Corse, on a la gâchette facile, il y a (encore) des jours où on rigole. Le mois dernier, lors d'une exposition, des étudiants de l'Université de Corse se sont émus puis scandalisés à la vision d'une photographie. Ils en ont appelé au "respect des valeurs chrétiennes" de la Corse, à son "histoire", au "devoir de mémoire" et ainsi de suite. Des professeurs plein de bonne volonté (et encore) ont dû faire oeuvre de pédagogie - liberté d'expression... etc... Alors c'était quoi la photo ? La photo (en noir et blanc), c'était un petit crucifix accroché à un petit (mais joli) zizi (au repos). Donc voilà. Les églises sont vides, les vocations, nulles - Père Marcel, le prêtre camerounais de la paroisse du quartier des Cannes à Ajaccio, me confie que dans certains villages, il lui arrive d'officier "pour une seule personne" et qu'il n'y a "quasiment plus de jeunes à la messe" - des lieux de mémoire sont réellement profanés - à Bastia, la plaque souvenir du grand résistant communiste Jean Nicoli assassiné par les fascistes italiens en 43 a été détruite dans la nuit du 11 novembre - la cérémonie-souvenir du meurtre du Préfet Érignac - tué d'une balle dans la nuque (alors qu'il se rendait tranquillement au théâtre) - ne réunit plus qu'une poignée de vieillards et des faits de ce genre qui ne semblent plus émouvoir grand-monde chez "nos" moins de vingt ans, on pourrait en citer à longueur de journée. Mais enfin, comme disait Antoinette Casale (ma grand-mère bastiaise), "Les enfants, ils sont comme on les élève". Je ne sais plus qui a dit que les pleurs ne sont pas le contraire du rire mais leurs prolongement, on était donc sur le point, in fine, d'en pleurnicher, lorsque certains de nos élus se sont émus à leur tour d'une toute autre affaire. L'affaire du 5 mai. Kesako ? Eh bien le 5 mai 1992 (il y aura donc bientôt vingt ans), le Sporting Club de Bastia recevait le grand Olympique de Marseille en demi-finale de la Coupe de France de football. Les dirigeants bastiais avaient commandé la construction d'une tribune en bois supplémentaire (plusieurs milliers de places) à une entreprise du sud de la France. On attendait du monde et des dollars. Dix minutes avant le coup d'envoi, tout s'effondre. Plus de vingt morts, deux mille blessés. Enquête, procès. Irresponsabilité totale à tous les niveaux - club, commune, constructeur, service de sécurité, préfecture... - peines de prison, amendes. On dresse une stèle et... Rideau ? Eh bien non, pas rideau. Dans le quotidien "L'équipe" daté d'hier, on rapporte que des élus corses se sont donc émus d'apprendre qu'une journée de Ligue 1 de football était prévue pour le 5 mai prochain. Ils en appellent donc à ne pas jouer au foot ce jour-là, mais au fond, pourquoi ? Pour se souvenir de tous ces jeunes qui en voyant cette belle tribune dressée si haute se sont dit - On va là-haut, on y verra mieux ? Oui, certainement. Mais admettons que l'on tente de se souvenir (d'une manière ou d'une autre) de ces morts, de ces blessés et de ces survivants, mais aux jeunes d'aujourd'hui, finalement, qu'est-ce qu'on va leur raconter ?

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