L'autre matin, pour la première fois, j'ai écouté le Forum de Radio Corsa Frequenza Mora (R.C.F.M.) de 8h08 à 9h. J'ai cru comprendre que le projet de ce Forum est d'inviter les auditeurs à appeler l'antenne pour parler de "sujets d'actualité". De quelles actualités les auditeurs de R.C.F.M. ont-ils envie de parler, me demandais-je, non sans quelque arrière-pensée sournoise, en tétant ma première tartine (beurre doux). Avant même d'attaquer ma seconde tartine (beurre-miel de Corse, seul miel français labellisé A.O.C.), j'avais déjà établi le questionnaire suivant. Cherchez l'intrus. Les auditeurs de R.C.F.M. aiment parler de: A/ D'eux. B/ De la Corse. C/ D'autre chose que d'eux et de la Corse. Entre ma seconde et ma troisième tartine (beurre doux) dont je devais asperger le réfrigérateur de ma maman en éclatant de rire au sujet d'une histoire de stationnement en rase campagne, je commençai à vouer une admiration sans bornes au jeune animateur du Forum. Car ce que cherchait, me semble-t-il, chaque auditeur, ce matin-là, c'était non seulement quelqu'un à qui parler mais aussi avec qui s'indigner. Et ça, pour un journaliste-animateur de radio c'est quand même un exercice périlleux. Surtout quand la plupart des entretiens commence par: Oui, nous avons Pierre-Antoine de Ciamannacce au bout du fil. Allora, Pedr'Anto', chi tempu face in Ciamannacce ? - Ah, un'mi né parla micca, Christophe, tempacciu, tempacciu, tempacciu... S'ensuit quelque chose comme - Vous vous rendez compte, cette rivière je m'y suis toujours baigné, la voiture, je l'ai toujours laissée juste au-dessus, sous le châtaignier, je remonte, y avait les flics, y zallumaient tout le monde ! Vous trouvez ça normal, vous ? L'animateur: - Mais Paul Antoine, est-ce que par hasard, vous ne mordiez pas un peu sur la route - Mordre, oui, on est bien obligé de mordre. Et ainsi de suite jusqu'à ma quatrième et dernière tartine (beurre-gelée d'arbouses). Nous n'étions pas loin de 9h et je me mis à attendre le journal (toujours sournoisement) pour découvrir à quel moment la Corse allait parler d'autre chose que d'elle-même. Les deux ou trois premières minutes du journal ont été consacrées à des paires de gifles qui ont failli dégénérer dans une cité de Bastia, à deux plaisanciers qui ont dû sauter de leur yacht en flammes au large de Porto-Vecchio et à un accident de la route en Corse du Sud. La famine qui menace des centaines de milliers de personnes en Afrique a tenu en une seule phrase. La mise en examen de Christine Lagarde en quatre ou cinq et le reste... le reste est silence / the rest is silence, comme dit depuis quatre cent ans Hamlet avant de mourir.
Billet de blog 6 août 2011
Mercredi 13 juillet, Les Corses parlent aux Corses
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