Ma blanchisseuse ne sait plus où donner de la tête. À peine rentrée de ses vacances au Brésil, on se bouscule à sa porte.
- D'angoulême, ils viennent, d'Angoulême, des anciens clients. Là-bas, ils n'ont trouvé personne.
J'ai vérifié auprès de mon informatrice préférée, mon ancienne concierge.
- Yo vous disse che c'est vrrrai. Et même dé Tourrrs, il est rrrevenou celoui qui travaillait avec mi marrri. Revenou por la robe de mariée dé sa fille.
Comme pour les coiffeurs (billet du 24 janvier), j'en ai essayé des pressings aux Batignolles ! Et j'en ai passé des soirées moroses à me souvenir de la couleur originale de mes chemises.
- Les ch'mises, des tonnes, on en r'passe. C'est ça l'quartier aujourd'hui, une chemise par jour il leur faut.
Remarque propre à lancer une thèse de sociologie sur les migrations urbaines.
Bref, il était temps qu'elle rentre et au vu de la queue à sa porte, un billet (plutôt burlesque) ici-même s'imposait.
Mais, en même temps, il se passe autre chose, on ne sait pas précisément quoi, c'est facile à sentir et difficile à circonscrire, quelque chose qui fait un peu peur. Des nouvelles pas vraiment mauvaises, mais pénibles. Et des mots qui circulent, des vieux mots, du vieux langage, des sourires un peu morts, des regards un peu troués. Des gens qui semblent ne plus trop savoir ce qu'ils disent, de quoi ils parlent. Voilà trente ans qu'en France les fascistes dirigent les "débats" sur les questions de sécurité et d'immigration. Trente ans ! Et alors quoi. Alors, il y a des jours, où malgré la douceur de l'air, on a parfois l'impression "d'entrer dans hiver" (Hölderlin).