noël casale (avatar)

noël casale

Abonné·e de Mediapart

280 Billets

0 Édition

Billet de blog 9 juin 2011

noël casale (avatar)

noël casale

Abonné·e de Mediapart

Dimanche 22 mai, lire le Corse-Matin

Longtemps, je ne me suis pas couché de bonne heure mais je me suis demandé quel est donc l'intérêt que porte une très large partie de la population de Corse à la lecture quotidienne du Corse-Matin. Les pages «Corse» rapportent des faits plus ou moins divers de toute nature, criminalité, tourisme, vie sociale, culturelle, sportive...

noël casale (avatar)

noël casale

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Longtemps, je ne me suis pas couché de bonne heure mais je me suis demandé quel est donc l'intérêt que porte une très large partie de la population de Corse à la lecture quotidienne du Corse-Matin. Les pages «Corse» rapportent des faits plus ou moins divers de toute nature, criminalité, tourisme, vie sociale, culturelle, sportive... des entretiens et des reportages complaisants, des avis de décès, de naissances, de baptêmes et de mariage... les autres pages, des informations à peu près rédigées qui donnent une idée vague de ce qui a l'air de se passer par ailleurs. Bref, comme disait ma grand-mère en le refermant après avoir lu attentivement les avis de décès - Oghje, un' c'e nund'a leghje / aujourd'hui, il n'y a rien à lire. Mais c'est finalement par les sourires attendris que provoquent souvent en nous les photographies des pages "Corse"que j'ai découvert que le Corse-Matin se présente à nous comme un album de famille. À les examiner de plus près, même si nous ne connaissons pas les gens qui s'y trouvent, les photos du Corse-Matin nous rappellent toujours quelqu'un ou quelque chose. Qu'il s'agisse d'une pêche ou d'une chasse miraculeuse, de l'inauguration d'une ruche, d'un tournoi d'échecs, d'une réunion syndicale ou politique, d'un congrès de prothésistes ou d'un défilé de majorettes, tout le monde semble avoir eu pour consigne de regarder le photographe, de se tenir à peu près droit et de lui sourire. Ce que l'on se demandait dans les familles quand venait le moment de la séance photo (et quand nous prenions encore une toute petite respiration avant d'appuyer sur le déclencheur, ce qui n'est plus du tout le cas aujourd'hui). Vue ainsi, la lecture quotidienne du Corse-Matin ne s'apparenterait plus à une indifférence plus ou moins marquée à l'égard des choses du monde au-delà de nos clochers, mais peut-être à la manifestation d'une conscience (tranquille) que nous formons une sorte de famille où chacun est heureux de se reconnaître dans l'autre par l'image. Et avec "tout ce qu'il y a de chair humide dans les familles"(Shakespeare), le crime n'est jamais bien loin. Antoine Vitez, citant de même Shakespeare (dans Hamlet) aimait ainsi rappeler que presque tout le grand répertoire mondial du théâtre - avec son cortège interminable de trahisons, de crimes et de guerres - ne parlait finalement que de ça: des histoires de famille.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.