Depuis le mois de juin, nous cherchons à déménager et nous n'y arrivons pas. Nous vivons dans le quartier des Batignolles à Paris dans un petit trois-pièces cuisine. Nous avons besoin d'un quatre pièces dans le quartier ou pas trop loin en raison de la scolarité de mon fils. Nous payons un loyer mensuel de 1100 euros et je gagne au mieux (les bonnes années) trois fois plus. Pour une pièce supplémentaire, c'est au minimum, huit à neuf cent euros de plus - c'est-à-dire, deux mille euros. Deux mille euros ! Au minimum ! Treize mille francs ! Un million trois cent mille anciens francs ! Depuis vingt-cinq ans, à Paris, je me suis toujours logé correctement. C'est fini. Gagner six à sept mille euros pas mois pour payer le loyer d'un appartement dont nous avons besoin nous est impossible. Jeune sociologue, ma femme débute dans la recherche (C.D.D.) et dans l'enseignement (vacations). Ses revenus intermittents ne peuvent être pris en compte. Depuis des années, on entend parler de classes moyennes européennes chassées du centre des grandes villes. Mais ça semble toujours un peu lointain, un peu abstrait. On n'y pense pas vraiment. Et si on y pense, on se dit mollement que l'on est plus malin que les autres et que l'on trouvera une solution. Pas plus tard qu'il y a cinq ans, lorsque j'ai dû chercher mon trois pièces actuel, en un mois, on m'en a proposé quatre qui me convenaient. Je n'ai eu qu'à choisir. Terminé ça. C'est étrange. En cinq ans. Étrange aussi les agents immobiliers qui vous annoncent ces augmentations invraisemblables sans vraiment ciller. Bon, certains parlent un peu plus lentement. Retiennent leurs mots, parfois leur respiration, pour vous dire par exemple que le quatre pièces à deux mille trois cent euros donnant sur l'avenue de Clichy est propre, bruyant certes, mais avec des fenêtres à triple vitrage que vous ne pourrez jamais ouvrir sous peine d'avoir l'impression de vivre sur le périphérique. Oui, les plus compréhensifs ne parlent plus comme avant. On les sent quand même un tout petit peu gênés. Mais c'est rare. Donc, à notre tour - sauf miracle - de devoir quitter le territoire où nous avons envie de vivre. Bon, en même temps, on ne peut pas ne pas se demander jusqu'à quand ça va durer, la comédie. Parce que nous avons encore du travail, un toit, des revenus corrects, la possibilité de manger ce que nous aimons, de voyager, de sortir, au besoin de nous soigner. Mais que faire quand on n'a pas au moins ça ? Je n'ai pas toujours eu ça mais je savais que ce n'était que temporaire. Par mon métier (théâtre) qui me conduit à travailler parfois dans des quartiers pauvres - centres d'aide sociale, prison, lieux d'accueil... - je peux constater facilement qu'il n'y a non seulement que très peu de perspectives vivantes pour beaucoup d'entre nous mais surtout très peu d'espoir. Ces jours-ci, ça bastonne et ça brûle à Londres, Liverpool, Birmingham... À chaque flambée de violences, oui, on a des questions qui nous viennent à l'esprit avant même les mots pour les dire, parfois des questions sans mots (stupeurs) et souvent, ces mots de l'écrivain italien Elio Vittorini - Troppo male, offendere il mondo.
Billet de blog 9 août 2011
Dimanche 17 juillet, Se loger dans Paris ?
Depuis le mois de juin, nous cherchons à déménager et nous n'y arrivons pas. Nous vivons dans le quartier des Batignolles à Paris dans un petit trois-pièces cuisine. Nous avons besoin d'un quatre pièces dans le quartier ou pas trop loin en raison de la scolarité de mon fils. Nous payons un loyer mensuel de 1100 euros et je gagne au mieux (les bonnes années) trois fois plus.
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