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Billet de blog 10 janvier 2015

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Rome, Paris, Une journée particulière

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comme il paraît que je me souviendrai toute ma vie de ce que je faisais et où j’étais le 7 janvier 2015, mais que j’en doute après avoir mémorisé dans mon Iphone, le 23 novembre 2059, jour de mes 99 ans (Cent ans, c’est long, disait Claude Levi-Strauss), je préfère que ça se sache tout de suite au cas où un des lecteurs de ce billet - ou lectrice (j’ai toujours rêvé de mourir à 99 ans tué par un mari jaloux) - viendrait m’aider à souffler mes bougies en ce jour à première vue lointain, quoique… Et au cas où, bien sûr, un sort me soit jeté d’ici là par ce mauvais génie d’Alzheimer dont j’oublie toujours le prénom. Chère lectrice sachant lectorer, ouvre bien grand tes yeux, je compte sur toi dans quarante-cinq ans et des poussières. Le 7 janvier à midi, je me trouvais à Rome à l’adresse où a été tourné le film d’Ettore Scola, Une journée particulière, avec Marcello Mastroianni et Sophia Loren. C’est un ensemble qui comprend plusieurs immeubles de huit à dix étages et sept cent quarante appartements autour de cours arborées mais agréables. Devant l’entrée (grande ouverte), deux petites vieilles me disent que si je viens pour acheter un des trois appartements en vente, je dois assolutamente négocier. Trois cent quinze mille euros pour un trois pièces au premier sur rue, sono diventati pazzi.

Avec mon plus beau sourire, je me lance – Però, quì, si tratta di un’ casale storico. – Eh mais ici, il s’agit d’un immeuble historique / C’ha girato Scola con la Loren e Mastroianni / Scola y a tourné un film…

Une des deux – Io, c’ero. Vecchie storie. Perchè quì, anche Sordi a girato. Come si chiamava quel’film… (à l’autre) Anna, ti ricordi… quand’abbiamo avuto Sordi… / Moi, j’y étais. Vieilles histoires. Parce qu’ici même Sordi a tourné. Comme c’était déjà ce film… Tu te rappelles… quand on a eu Sordi…

L’autre – Eh, sono anni… I figli di Stefanini si erano gia mangiato tutt’i soldi del padre… / Eh c’est vieux tout ça… Les fils de Stefanini s’étaient déjà mangés tout l’argent du père…

Moi – Qual’è Stefanini ?/ C’est qui Stefanini ?

La première – È quello che c’ha costruito tutto. E non soltanto questo ma in tutta Roma… / C’est celui qui a tout construit. Et pas seulement ici mais dans tout Rome…

L’autre – E i figli hanno sposato due americane… E sa, come so’ l’americane… Non c’è da chiacchierare… / Et les fils ont épousé deux américaines… Et vous savez comment elles sont les américaines… Il ne s’agit pas de bavarder…

La première – Allora dopo affitavano per il cinema… Non no no… chi tanti film… tre cento quindici mille euros per questo primo piano, sono pazzi / Alors après, ils se sont mis à louer pour le cinéma… Non non non, il n’y a pas de films qui tiennent… 315 000 euros pour ce premier étage, ils sont fous.

À l’intérieur un vieux monsieur aimable et distingué m’indique les fenêtres de l’appartement de Mastroianni et celles de Loren. La concierge m’ouvre les cages d’escaliers. Je les monte et les descends à pied, en ascenseur, en me souvenant des premières scènes du film. Celles où l’on voit, au lever du jour, des milliers d’habitants s’en aller de là pour aller acclamer Hitler et Mussolini, le dimanche 8 mai 1938, laissant derrière eux une épouse fatiguée, un homosexuel traqué et une perruche qui, enfin livrée un instant à elle-même, va voler de l’une vers l’autre et faire de cette journée fasciste vouée à l’amour de la mort, un hymne inoubliable à la vie. 

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