- Unser Führer ist ein grosser Künstler ! » / Notre Führer est un grand artiste, répétaient les plus hauts dignitaires nazis et les membres de la délégation qui accompagnaient Hitler lors de sa visite officielle en Italie en mai 1938. De musées en monuments et de monuments en galeries d’art, au moindre arrêt, ralentissement ou remarque (fût-elle hésitante) du petit reuccio (roitelet) comme l’avaient désigné spontanément bon nombre d’Italiens, ce n’étaient que murmures d’admiration, regards humides et râles éblouis. Ranuccio Bianchi Bandinelli (grand professeur, spécialiste d’art antique, d’archéologie et parlant couramment allemand), leur guide lors de ces journées officielles, a témoigné dans son journal - d’abord, de sa surprise d’être désigné pour cette mission alors qu’il était à ce moment-là clairement identifié comme « antifasciste », de son dilemme intime une fois que l’ordre lui fut donné pour la mener à bien et de ces journées de printemps qu’il a donc passé aux côtés des deux dictateurs. Témoignage au plus près de ces deux corps au quotidien. Comment ça parlait, mangeait, marchait… Et comment, bien sûr, ça regardait les innombrables chefs d’œuvre qu’il leur présentait. C’est par lui que je vous raconte ça. Ce dont Bandinelli ne parle pas et que j’ai découvert hier grâce à un autre journal – celui de Galeazzo Ciano, Ministre des Affaires Étrangères (1936-1943) de Mussolini – c’est de la tiédeur de l’accueil réservé au «grosser Künstler » par la population de Naples (le journal de Bandinelli sur cette semaine comprend vingt-deux pages, celui de Ciano, deux). À Rome, puis à Florence, ce fut du délire. À Naples, non. Ciano « l’explique » par le fait que les Napolitains ont une autre et haute idée de qui est digne d’être acclamé. Les Napolitains, dont on moque volontiers la disposition à élever à l’égal d’un dieu un footballeur, ont donc peut-être seulement vu, dans le petit reuccio-caporal allemand, non « le grand artiste » des nazis mais le petit peintre raté que l’on « connaît » mieux aujourd’hui. Hitler, non. Maradona - Sì !
Billet de blog 11 janvier 2015
À Naples, Maradona ! Pas Hitler !
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