noël casale (avatar)

noël casale

Abonné·e de Mediapart

280 Billets

0 Édition

Billet de blog 12 janvier 2015

noël casale (avatar)

noël casale

Abonné·e de Mediapart

Arrivederci Anita

noël casale (avatar)

noël casale

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les horloges publiques de Rome indiquent rarement l’heure exacte. La surprise passée, j’avais commencé, dès le lendemain de mon arrivée ici, à me livrer à un petit jeu bête, interrompu par les journées terribles que nous venons de vivre. Mais je l’ai repris hier en allant au Stade Olympique pour m’y promener autour de l’événement romain le plus important de l’année : le derby (football) entre la Lazio di Roma et l’A.S. Roma. « Romains contre Romains », comme dit Corneille (Pierre). Je soutiens la Roma, club vénéré du prolétariat et du lumpen prolétariat romain, dont l’emblème est une louve - una lupa ici, c’est aussi une pute - qui allaite les fameux jumeaux contre la Lazio, club des bourgeois, petits et grands, des nouveaux riches e tutti quanti dont l’emblème est un aigle (aux ailes déployées, évidemment). Mon idole, c’est Francesco Totti. Capitaine et immense footballeur de près de quarante ans qui a refusé toutes les offres mirobolantes des plus grands clubs du monde pour rester à la Roma où il joue depuis l’âge de sept ans. Les Romanisti (tifosi de la Roma) ont baptisé le pape - François 2, étant donné que François 1er pour eux, c’est Totti. Entendre hier comment cinquante mille personnes scandent – TOTTI ! TOTTI ! FRANCESCO TOTTI ! - après chacun de ses deux buts qui ont permis à la Roma de revenir dans le match (score final : 2-2), ça vous… comment dire… ça vous… bref, les horloges. Donc chaque fois que j’en vois une déréglée, je demande à la personne que je vois tout de suite après comment va l’Italie. Pour l’instant, les réponses les plus fréquentes (une vingtaine) vont de – Male, molto male – à des sourires à la fois perplexes et malicieux ou à de beaux éclats de rire. Mais il y a eu aussi – Chì lo sà ?/ Qui le sait – ou – Chi può dirla ? / Qui peut le dire. Et une fois – L’Italia è un sentimento vago, abbastanza vago. / … assez vague. Bon, plutôt que de chercher à tout comprendre tout le temps - comme s’était fatigué à le faire Roland Barthes himself avouant (in « Le grain de la voix ») que « pisser au fond de son jardin, ça ne signifie pas forcément quelque chose » - et passer une semaine à méditer sur le rapport au temps des Romains, souvenons-nous, puisqu’elle vient de mourir, de cette scène d’un des derniers Fellini – Intervista – où on les voit - lui et Mastroiannni - rendre visite à Anita Ekberg vingt-cinq ans après La Dolce Vita. Ils entrent dans son salon et elle est là, blonde, énorme, vraiment énorme. Mastroianni s’avance vers elle lentement, à la façon dont il marchait sur l’eau dans la fontaine de Trevi et il lui dit - Anita, cara Anita, sei sempre così bella.

Être à Rome le jour de la mort d’Anita Ekberg, c’est être comme l’immense empereur Auguste qui, devant son repas préféré – une truite vapeur, un crottin de chèvre et trois figues – ne pouvait prononcer, les yeux humides, qu’une seule phrase : - Que vouloir de plus ? 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.