Lundi 14 février, Valentine et Valentin au bain

On a beau dire, la Saint-Valentin, c'est commercial, il flotte quand même dans l'air de ce jour-là, une humeur pas très catholique. C'est comme pour le jour de Noël, qu'on le veuille ou non, à un moment ou à un autre, à l'approche du 24 décembre, une sorte d'excitation va nous traverser, nous gagner, nous égarer, et ce que l'on s'était juré de ne pas faire, nous pouvons le faire comme dans un état second. Mais la Saint-Valentin. Prenez une piscine publique. C'est un lieu où l'activité principale consiste à nager dans un couloir prévu à cet effet. Vous y accomplissez des allers-retours pendant le temps qui vous convient et ensuite,vous pouvez éventuellement vous y délasser dans un coin, à l'écart de ces longs bras et longues jambes qui frappent le chlore comme des queues de cachalots. Pas ici, à la montagne. Le bassin, en plein air, ne comprend qu'un seul couloir et, lundi après-midi, une grande baraque s'y musclait le thorax, un bout de plastique entre les cuisses, dans le sillage de deux nageuses décharnées mais toniques. Par ailleurs, on macérait béats dans la vapeur, les yeux grands ouverts sur un paysage de cimes enneigées et de pâtures boueuses encadré par des immeubles gris et laids. Seule, une étroite zone du bassin – une bande d'une quinzaine de mètres sur trois dans le sens de la largeur – était à l'abri du froid extérieur. Chassé du couloir par Monsieur Thorax et Mesdames Toujours Jeunes, puis de l'espace Macération par des parents voués entièrement aux caprices de leurs enfants, je m'aventurais par le fond vers cette étroite bande où barbotaient une demi-douzaine de couples étroitement enlacés. Vus de la surface, on se regardait dans les yeux, loin de penser à l'addition du dîner qu'on avait pris soin de réserver dès la veille. Mais vus du fond…