noël casale (avatar)

noël casale

Abonné·e de Mediapart

280 Billets

0 Édition

Billet de blog 17 janvier 2015

noël casale (avatar)

noël casale

Abonné·e de Mediapart

Heureux comme un Bastiais à Rome

noël casale (avatar)

noël casale

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En 2006, je fréquentais une dame de cent quatre ans qui nous a quitté en 2007. Elle était née et avait grandi en Corse avant de « monter » à Paris pour y mener une carrière relativement brillante de fonctionnaire dans divers ministères. Elle avait presque toute sa tête et s’efforçait de satisfaire ma curiosité pour des époques que je ne trouvais plus si lointaines grâce à elle et pour des gens qu’elle avait connus, nés sous le second Empire, et dont les parents et grands-parents avaient servi sous Napoléon 1er ou rêvé d’un monde meilleur en 1789. Mais des heures passées à l’épuiser, je ne me souviens là tout de suite que d’une chose. La passion de son père pour Rome. Elle revenait souvent à son grand amour pour son père. Elle avait eu une fille, âgée d’un peu plus de quatre-vingt ans en 2006, mais elles étaient fâchées et tous les gens de sa génération étant morts, elle avait essayé de fréquenter ceux de la suivante. Beaucoup avaient quatre-vingt ans et plus et elle les trouvait « trop jeunes ». Jamais un mot sur sa mère - son père, son père, son père et Rome. Je crois qu’il y avait travaillé (dans la Justice) et tenté d’y faire carrière, qu’il y était en tout cas revenu toute sa vie avec sa femme et sa fille et qu’il y avait été heureux comme tout. Dans ma famille de communistes de Corse et d’Espagne, entendre parler de la passion de quelqu’un pour Rome entre les deux guerres revient aussitôt à la considérer comme douteuse. Et à partir de là, mes questions à cette dame avaient été déloyalement orientées. J’aurais pu en effet l’inciter à me parler de Rome (et de l’Italie) autrefois, de son regard à elle sur cette ville que j’apprécie tant aujourd’hui. Mais non. De la passion de son père pour Rome, nous en étions venus à son poste à elle pendant la seconde guerre – Et dans quel ministère… ? - Ah, oui, celui de la Justice… etc… - et inévitablement aux questions qui peuvent fâcher deux Corses (même hors de l’île, contrairement à ce qu’on dit). En 40, au moment de l’armistice, elle  s’était rendue à Notre Dame pour y célébrer la France éternelle de Pétain (« De Gaulle s’était sauvé à Londres »), et là, hélas pour moi, la messe était dite. La suite de notre dialogue s’en trouvant comme empoisonnée, je ne saurais jamais ce qui, il y a cent ans, avait rendu si heureux un Bastiais à Rome.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.