Depuis que j'ai décidé de discuter du prix des choses avec les commerçants, je rencontre plein de gens qui m'apprennent des tas de trucs. Depuis deux jours, dans le centre historique de Rome, je demande à des serveurs pourquoi un coca peut coûter jusqu'à huit euros (une cinquantaine de francs) ou un espresso, quatre euros, sans être toutefois servis Piazza Navona ou face à la fontaine de Trévi. Endroits où l'on m'assure sans sourciller que je les paierai deux fois plus cher. Les plus chauvins me répondent que je me trouve dans la plus belle ville du monde en m'indiquant du menton une colonne antique au loin ou quelques vieilles pierres qui reposeraient dans l'ombre d'un pin parasol depuis, dit-on, une éternité. D'autres le déplorent avec moi et il me faut m'attabler enfin devant une bière sur la terrasse du café le plus modeste du quartier juif pour que le patron - un gros bonhomme nerveux d'une trentaine d'années occupé à mater des images porno sur son Iphone - entre dans le vif du sujet. Trop de taxes, trop d'impôts, trop de procès-verbaux à des coûts de plus en plus exorbitants, gouvernement aux abois, situation économique italienne proche de celle de la Grèce. Son exposé est précis, détaillé, argumenté, un régal. Cela me fait penser à une anecdote que racontait un milliardaire américain. Un jour de 1929, tout en lui cirant ses chaussures, un cireur de Grand Central Station (la grande gare de New York) lui assure par une démonstration très brillante, devant ses collaborateurs incrédules, que l'économie américaine est au bord du chaos. Citizen Dollar se dit que si un cireur de godasses est aussi bien informé que lui de la situation catastrophique des marchés, c'est que ça va aller très mal encore plus vite que ce qu'il n'avait jamais imaginé. Un mois plus tard, c'est le "jeudi noir" ("- Pourquoi Noir ? aimait demander Mohammed Ali à sa grande époque). Retour à Rome. Deux jours après ma rencontre avec le jeune cafetier, la Repubblica titre en gros que "L'économie italienne est au bord de la rupture".
Billet de blog 17 juillet 2011
Samedi 2 juillet, "Que Rome croule dans le Tibre ?"
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