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Billet de blog 18 janvier 2015

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Sang de Charlie à Rome

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cette semaine, la couverture de L'Espresso (hebdo politique italien) n'est pas belle à voir. Un bureau ensanglanté chez Charlie. On peut se demander qui a fait cette photo et dans quelles conditions. Un bureau plein d'objets de bureau - livres, ordinateur, sac, siège (essayer d'en examiner chaque chose n'est simple ni émotionnellement, ni moralement), et au sol, une large flaque de sang. Oui, on se demande. Qui, comment, à quel moment... Et ensuite, le traitement - modifier-recadrer... - la proposer, la vendre, envoyer son R.I.B., encaisser l'argent... On croit que le cauchemar est terminé mais non, quelqu'un se charge de nous le prolonger avec ce que nous avions encore un peu le choix d'imaginer - de se représenter - ou pas. La plupart des quotidiens italiens ont fait fort aussi. La photo de l'exécution d’Ahmed Merabet – le policier de garde chez Charlie le 7 janvier (aucun ministre ne s’est rendu à ses obsèques) - était partout. Dans les années '80 et '90, toutes, mais vraiment toutes, les couvertures de L'Espresso affichaient des femmes nues ou presque. On peut voir Nanni Moretti dans une scène de son film Aprile passer des heures à les découper pour en faire un immense collage dans lequel il s'enroulera comme dans un tapis. Face à ça, souvent on dit, on entend dire – Obscène, c’est obscène, c’est porno. Mais finalement, qu'est-ce qu'on dit avec ces mots ? Comme l'écrivait Leslie Kaplan à propos d'un mot qui revenait souvent au sujet des camps de la mort: - « Frightgull / Affreux - Oui, c'est affreux. Et comment ce mot peut finalement devenir commode. (…) Inimaginable (aussi), c’est un mot qui ne divise pas, qui ne restreint pas. Se promener avec ce mot bouclier, le mot du vide, et le pas s’assure, se raffermit, la conscience se reprend. ». Ce matin, je suis scotché devant la couverture de L’Espresso, collé à la chose morte. Et l'entreprise criminelle des tueurs se poursuit ainsi, presque tranquillement, sur un autre mode, et on est vraiment loin d'en venir à bout. 

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