On inaugurait hier soir dans le quartier des Cannes à Ajaccio une petite Maison des Associations. Projet modeste: dans l'attente de l'ouverture d'une Maison de Quartier prévue dans le Projet de Rénovation Urbaine en cours sur ce territoire, on rafraîchit une ancienne et minuscule école maternelle ouverte aux associations en manque de locaux (ce qui est le cas de quasiment de toutes les associations ajacciennes). Une centaine de personnes sont présentes. Gens de ce quartier périphérique (dit "défavorisé"), employés municipaux, responsables du lieu, dévoués et heureux. Après avoir salué presque toutes les personnes une à une (poignées de main, accolades), le Député-Maire d'Ajaccio, Monsieur Simon Renucci, prend la parole. Debout, texte en main, il s'interrompt souvent pour blaguer avec les uns et les autres. À sa demande, on applaudit, on se lance des clins d'oeil, on grimace, bref, on passe un bon petit moment. À ses côtés, Monsieur Dominique Bucchini, Président de l'Assemblée de Corse, ne rit pas. Là ou d'autres s'étranglent de rire, il esquisse parfois un sourire énigmatique. On a beau savoir que l'homme (69 ans mardi prochain) est communiste depuis toujours, on peut quand même se demander (avec la fonction qui est la sienne) ce qu'il fait là à cette heure-ci. Vient son tour de parler. Debout au micro, il commence par se taire, embrasse la salle d'un regard et aux premiers mots qu'il prononce - ses voeux pour 2012 - toute l'agitation retombe. Puis, sans texte écrit et en nous regardant toujours tranquillement, il dit qu'il sort d'une réunion du Comité contre la Violence. Le phrasé est strict, rigoureux, vivant. Le silence, terrible. Face à la recrudescence des violences meurtrières depuis trois, quatre ans sur l'île, ce comité a été formé l'an passé pour réfléchir à la question du meurtre. Et Monsieur Bucchini nous parle de ça. Il dit que lorsqu'il avait proposé la formation de ce comité, autour de lui, beaucoup regardaient leurs pieds, d'autres allaient aux toilettes, d'autres encore avaient "des trucs à faire". Mais enfin, un groupe s'est formé mais, hélas, en Corse certains hommes politiques en sont encore à se demander s'il faut condamner "aussi les meurtres politiques". Donc, il dit que l'heure est grave et que le combat sera long. Plus personne ne bouge. On a tous oublié la raison de notre présence ici. Monsieur Bucchini parle à chacun d'entre nous de questions de vie et de mort. Il parle au coeur et à l'intelligence de chacun. Les mots sont simples, précis et subtils. Et en nous parlant de ces questions brûlantes d'aujourd'hui pour la Corse et pour tant d'autres endroits du monde, il nous invite implicitement à réfléchir à nos responsabilités - à ce que ça peut bien vouloir dire "Vivre ensemble". Il en revint ainsi au tout petit événement qui nous rassemblait hier soir en nous souhaitant à tous non pas "Bonne chance" mais "Bon travail".
Billet de blog 19 janvier 2012
Dominique Bucchini, grand seigneur
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.