Samedi 19 février, Partie de pêche dans la gare de Grenoble

Le buffet de la gare de Grenoble n'a rien pour lui. Impossible d'en faire une chanson. Comme l'avait fait le jeune Lavilliers pour Le buffet de la gare de Metz. Du coup, notre vieux Tino en avait repris un coup (de vieux). Lui qui prétendait que pour durer, il ne fallait chanter que l'Amour. Il est vrai que, de son temps, ne nous sont pas vraiment restés les refrains à la gloire des ronds-points fleuris, de l'état des routes ou de celui des buffets de gare (si tant est qu'il y en eut, de ces refrains). Nous en étions là de nos réflexions, samedi après-midi, gare de Grenoble, au coeur d'une foule formée par ceux qui descendent de la montagne et ceux qui vont y monter quand, soudain, soudain... Rien ! Nous avions beau scruter autour de nous, rien à se mettre sous les coussinets. La zone, on l'aura compris, était cependant poissonneuse. Côté départ, rougets et rascasses, quelques marbrés. Côté arrivées, daurades et morues, quelques raies. Ici et là, un congre, une murène, quelques sardines. Nous avions bien lancé notre ligne appâtée de deux, trois, mots qui avaient tourné en rond dans un bol d'eau à bénir au cas où la pêche serait bonne, et nous attendions. Des adolescents flirtaient dans les coins, des allemands faisaient un point, des familles s'affalaient sur des monceaux de gros bagages et ainsi de suite. Le salut vint de la presse et de la presse italienne. La Repubblica consacrait un article à l'amour"que les Français portent aux yeux bleus d'Anne Sinclair"."Français qui n'ont pas oublié son Sept sur Sept télévisuel, leur rendez-vous politique télévisuel préféré des années '80". Bon, nous tentions de ferrer une ou deux fois. Histoire de sentir si quelque chose mordait dans ces eaux-là. Quelques images d'hommes et de femmes politiques nous revenaient. Un refus de recevoir Le Pen. Pas mal. Mais rien de plus. Quand soudain, soudain… revint, comme appelé des profondeurs, un espèce de vieux mérou presque chauve à lunettes semblant émerger un instant des zones obscures où ne filtrent que quelques rayons de lumière de temps à autre. Un poisson au moins aussi ancien que le cinéma (dont il serait un des derniers géants) et couronné de quelques mots qui formaient une remarque: - Anne Sinclair, quand elle parle à Charles Pasqua, elle croit qu'elle lui parle. Ma très chère Repubblica n'était plus bonne qu'à emballer du poisson et le buffet de la gare de Grenoble à s'en aller visiter son ancêtre de la gare de Metz.