Pourquoi ne pas discuter avec les chinois qui ont pris tous les bars-tabac parisiens laissés par les auvergnats partis à la retraite ?
Angle rue Nollet-rue des Moines dans le 17è, 8h20.
- Alors, Monsieur Wang, comment vont les affaires ? (Comme M. Wang n'a qu'une très vague idée de qui sont Franck Ribéry et Laurent Blanc, inutile de lui demander ce qu'il pense de la présence sur le flanc gauche de l'équipe de France de l'attaquant du Bayern de Munich pour la rentrée prochaine).
- Calme, calme.
- Vous ne partez pas en vacances, Monsieur Wang.
- Boulot, boulot. Important.
Un serveur blanc en surpoids et en sueur peine à remplir un bock de pierre pression. Monsieur Wang dont le visage évoque le masque de théâtre oriental du "Cocu outré" se rue vers lui - Laissez sortir air d'abord ! Compris ? Air d'abord ! Mousse pas trop ! Retirer mousse. Servir pas trop mousse... et sert sa troisième bière à un client avachi dont l'unique effort consiste à gratter les cartes de jeux de hasard en grognant.
Côté tabac, deux jeunes chinoises. L'une dit à l'autre - Moi plus belle que toi. - Non, moi plus belle, rigole l'autre.
Monsieur Wang m'ayant confié un jour que son projet est d'amasser le maximum d'euros ici et de s'en aller, je le vois désormais comme un prisonnier qui compte ses jours à tirer et ses billets.
- Et la famille ça va, Monsieur Wang ?
- Travail, travail.
- Eh oui, il faut bien. Et les enfants ? (Une fille est scolarisée dans la même école que mon fils).
- Un peu vacances, un peu travail. Les enfants doivent bien travailler à l'école. Tranquille après.
- Eh oui, c'est important.
- Vous vacances ?
- Oh oui, presque tout l'été. J'aime beaucoup les vacances. J'aime bien travailler aussi, mais pas trop. Le matin. L'après-midi, si je peux, j'évite. Et puis je n'aime pas travailler l'été et l'hiver.
Les yeux de Monsieur Wang cessent de fureter à droite à gauche. L'accent circonflexe de ses sourcils s'adoucit. Il esquisse un sourire.
- Vous français très bizarre. Bizarre la France, bizarre.