noël casale (avatar)

noël casale

Abonné·e de Mediapart

280 Billets

0 Édition

Billet de blog 22 janvier 2015

noël casale (avatar)

noël casale

Abonné·e de Mediapart

Printemps éternel de Rome

noël casale (avatar)

noël casale

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Si  par une froide et humide nuit d’hiver dans Rome, vous enragez de ne pouvoir chanter au bord de la Tamise ce qu’entonnaient sous Élisabeth 1er les troubadours de Shakespeare – Souffle, souffle vent d’hiver / Tu n’es pas aussi pervers que l’humaine ingratitude – ou encore, dans un registre moins philosophique mais plus proche de nous  – C’est l’hiver qui frappe à notre porte / Mes amis, ce soir, oublions-le ! – que proférait à pleins poumons, déguisé en cosaque, mais avec une vraie et fort belle barbe, Ivan Rebroff devant un chœur d’autres vrais barbus dont les grosses joues rouges et les regards illuminés semblaient nous psalmodier en sous-texte la célèbre devise des Odes d’Horace –Nunc est bibendum / C’est maintenant qu’il faut boire – sachez que vous pourrez dès le lendemain vous immerger, au cœur même de la ville, dans un jardin formé de pins, de chênes, d’épicéas, de fougères, de violettes et d’iris, de cognassiers, palmiers, dattiers, lauriers, arbousiers, cyprès, lierres, lauriers, acanthes… et de parterres fleuris de roses, de chrysanthèmes, de coquelicots et de camomilles. Peuplé par des dizaines d’espèces d’oiseaux différents, ce jardin, qu’Ovide qualifiait de printemps éternel et qui décorait à fresque une salle à manger d’été de l’une des plus somptueuses villas de Livie, l’épouse d’Auguste, se trouve aujourd’hui dans un des musées les moins courus de Rome, le Palazzo Massimo alle terme, à deux pas du Musée des Thermes de Dioclétien dans lequel Hitler et Mussolini ont froncé les sourcils devant des sarcophages paléo-chrétiens et des orfèvreries médiévales le 7 mai 1938. Rien n’indique que ce jardin-fresque aurait pu être vu par les deux dictateurs (où était-il à ce moment-là ?). Mais on peut rêver que la vision d’un tel déploiement et mélange d’espèces végétales et animales coexistant en paix dans une imagerie de paradis terrestre aurait peut-être froncé encore davantage les sourcils du « Führer qui tenait les Romains, à leur origine, pour des Germains émigrés de leur Nord natal, qui avaient colonisé et civilisé le Sud de l’Europe.  Les fascistes italiens constituaient donc pour lui un noyau germanique préservé », appelé à régénérer la population de la péninsule dégénérée par tous les mélanges survenus au cours des siècles.

S’il vous arrive un jour qu’un(e) ami(e) vous demande à voir dans Rome autre chose que les lieux de cartes postales visités au pas de charge par les deux histrions et leurs délégations de masques mortuaires, indiquez-lui sans hésiter ce jardin. J’y ai vu entrer des gens pressés, tendus, pris de froid ou de chaleur, et je les ai vus s’y asseoir, regarder, voir, se détendre, respirer mieux et revenir à eux, les yeux grands ouverts comme sur un jardin d’enfance. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.