" Il ne se réveilla le lendemain matin que lorsque les cloches sonnèrent. Il vit de son lit que le le ciel devait être magnifiquement bleu. Aux éclats de lumière dans la fenêtre on le devinait suspendu au-dessus de la ruelle et il y avait aussi de l'or clair sur le mur de la maison d'en face, quand on regardait bien. On songeait du même coup à quel point ce mur sale devait paraître noir et triste lorsque le ciel était lui-même couvert. À présent, il permettait de se représenter le lac, avec les voiles navigant dessus dans le matin bleu en or, certaines prairies comme il y en avait en lisière du bois, certains points de vue et des bancs abrités d'arbres verts et touffus, la forêt, les rues, les promenades,, les prés sur le dos de la montagne avec beaucoup d'arbres dedans, les pentes et les ravins foisonnant de verdure tout au fond, la source et le ruisseau de bois avec ses grandes pierres et l'eau qui chante doucement quand on est assis tout près et qu'on s'assoupit en l'écoutant. Tout cela on pouvait le voir distinctement sur le mur que regardait Simon, qui avait beau n'être qu'un mur, qui n'en reproduisait pas moins le tableau complet d'un dimanche heureux, simplement parce qu'un reflet de ciel bleu y respirait. Il est vrai qu'il y avait aussi dans l'air ce son de cloches familier, et rien de tel que les cloches pour éveiller des images."
Robert Walser, Les enfants Tanner
Traduction: Jean Launay